() )( de Pierre Labat

Push / Pull

S’il y a de la peinture dans les travaux de Pierre Labat, il n’y a pas, à proprement parlé, de couleurs. Space Between, Dum dum, I’m So Glad To Have You And It’s Getting Worse sont du blanc du mur, de la même peinture exactement, appliquée avec les même outils et la même attention que celle qu’apporte celui qui prend soin du lieu. Alors comment les fers à béton du projet () )( à la galerie Jeune Création nous « impressionnent » ils ? L’artiste dit que c’est une non-couleur, comme celle du crayon à papier ou du stylo. Qui pourrait reconnaître le bleu ou le noir d’un stylo Bic ? À part sûrement dans les oeuvres Echantillon / Monochrome de Jean Luc Moulène[1]. Ailleurs, ces couleurs tracent, mais ne rayonnent pas. Encore qu’il y a sûrement quelque chose du rayon ici, dans () )(.

Ce projet () )(, dont le nom s’écrit mais ne se dit pas, peut faire penser à Mr Anderson[2]. Mais en plus petit. Une « pièce de galerie » ? Rien n’est moins sûr ! Si on peut être dans le travail (la posture humaine, physiquement, est à l’origine même du propos, de la forme et des proportions du travail présenté), nous sommes quand même obligés de longer les murs, comme pour les retracer. Ce rapport physique avec l’enveloppe de l’exposition est prédominant dans le travail de Pierre Labat.

Loin d’une esthétique de « chantier », moins loin d’une attitude de ready made, je crois que l’utilisation récent du fer à béton dans les travaux de Pierre Labat est encore une façon d’effacer les références. S’il y a évidemment un sillage visible avec Carl André ou Fred Sandback, il y a une raison simple aussi à ce matériau ; il n’y a rien d’aussi structurant et de moins cher au mètre linéaire. Ce matériau, présent dans les constructions en béton, structure, construit mais ne se montre jamais. Ici il tranche avec le blanc du mur, sur lequel il trace des courbes ou des morceaux d’ellipse.

Tout concorde donc pour nous signaler la forme ; pure serait un trop grand mot, mais quand même une forme maîtrisée, calculée. Calculée, mais toujours avec les outils et les connaissances de la plus grande partie de l’humanité, comme aime à le souligner Pierre Labat.
Quelles formes ? Deux fois un volume, où le corps s’insère s’il le veut. Ces volumes semblent une fois se dilater sous sa présence (l’homme sur l’architecture ou le monde), une autre fois se contracter (l’homme sous l’architecture ou le monde). Une forme d’explosion qui s’expanse, une autre forme de turbine qui concentre les échappements. Un endroit qui se pousse, un autre qui se retire. Comme écrit sur une porte : push, pull.

Paul Mac Ilhenny, juin 2012.

[1] Je voudrais aussi ici signaler au lecteur l’oeuvre Quelque chose noir et ombre 2006 de Jean Luc Moulène.

[2] Mr Anderson 2012, présenté dans l’exposition Armez Les Toboggans, du 14 avril au 10 juin 2012, au Centre d’Art Contemporain Le Quartier, Quimper, avec Robert Breer, Camila Oliveira Fairclough, Pierre Labat.

pierrelabat.net

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