La langue des oiseaux

Exposition collective

01.09

> 30.10.22

Que celui qui n’a jamais rêvé de comprendre ce que se racontent les oiseaux en sifflotant passe ici son chemin.
Car la Langue des Oiseaux ne convient qu’à ceux disposés à ouvrir grand leurs oreilles et leurs yeux, pour mieux percevoir les messages cachés sous les bords si nets du monde.

Langue de double sens par excellence, elle pourrait être assimilée à l’argot : seules les oreilles averties comprennent ce langage d’initiés, savent qu’un mot – comme un train – peut en cacher un autre.

Mais si l’argot – comme le verlan – prend ses racines dans le lexique et une utilisation détournée des mots, la Langue des Oiseaux l’englobe et le dépasse. Il s’agit d’une langue cryptée, certes, mais dont le cryptage passe par l’acceptation que mots et phrases, lettres et images ne sont pas argent comptant, et peuvent avoir d’autres sens que celui qu’on leur attribue communément.

La correspondance sonore de certains mots permet un rapprochement sémantique – tantôt volontaire, tantôt involontaire – qui constitue un codage.

Des volontaires, les alchimistes en ont été friands : chaque nom a une correspondance symbolique exprimée par la phonétique dans la Langue des Oiseaux.
Ainsi la matière – entendons l’âme a tiers – a deux tiers d’autre chose. Une démarche est une démarche : un point d’arrêt. Trois passages ouvrent la voie à trois pas sages : un à travers le corps, l’autre à travers l’âme et un dernier à travers l’esprit.
Dès qu’on naît, d’ailleurs, c’est bien connu, on est plus.

Pour la psychanalyse, le codage involontaire ouvrit une avenue vers la connaissance des tréfonds du souffle humain. Jacques Lacan démontra que sous les jeux de mots s’expriment des messages de l’inconscient. Slip of the tongue, glissement de la langue, dit-on en anglais, pour signifier qu’un dessein caché vient d’être exprimé involontairement par oups, un lapsus.
On n’est jamais trop aidé.
Freud parle du rêve comme d’un rébus formé de mots ou de lettres comme signifiants graphiques ou phoniques, qui doivent se comprendre au pied de la lettre : M / aime, N / haine.

Les surréalistes ont en fait un terrain de jeux. Dans La clé des champs, André Breton mentionne le langage des oiseaux, « idiome phonétique fondé uniquement sur l’assonance », à être utilisé avec « l’esprit en abandon », et de l’écriture automatique, « non surveillée », comme un antidote au rationalisme guidant notre entendement des mots et du monde.

Les mots aiment aussi à s’amuser, se refléter et se démultiplier à l’infini.
Ils pratiquent des glissements de sens qui nous mènent en bateau (je suis rond rond rond / rongé de remords, Claude Nougarro) ; des rapprochements qui exacerbent (tumeur / tu meurs) ou contrarient (platonique / nique) leur significat; des anagrammes qui, en le brouillant, font dire d’autres mots au mot premier; des décompositions qui dévoilent des mots enfouis. Leurs sons sont plastiques, corvéables à envie.

Si on reste à l’affut, on peut ainsi trouver un sens caché aux éléments les plus anodins.
Parfois, l’écriture n’y est pour rien.
Les images ont des pouvoirs évocateurs et provocateurs, tout aussi riches en dédoublements.
En faisant naître en nous le mot qui le désigne, l’image d’un corbeau peut faire surgir un corps beau.

Le jeu de tarot n’est autre chose qu’un livre d’images dont les pages s’ouvrent à qui sait s’ouvrir à sa lecture.

Ainsi, même lorsqu’un énoncé, une image paraissent limpides, restez à l’affut : les scruter par des écoutes extérieures et intérieures, par des doubles lectures et entendements, fait surgir les rêves et les calembours qu’ils expriment.
C’est ce qu’on appelle « le langage des oiseaux » : celui (c’est lui !) qui nous apprend à jauger le monde autrement.

À vos oreilles, à vos yeux, à vos rêves : prêts, sondez.

Espace Niemeyer à Paris
Du 01.09 au 30.10.22
Du lundi au vendredi de 10h à 18h

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