Les Artistes sélectionnés

69e édition

La 69e édition de Jeune Création se tiendra fin janvier 2020 dans l’espace de la Chaufferie à Romainville, dans la Fondation Fiminco.

La commission de sélection est composée majoritairement d’artistes bénévoles et d’une personnalité invitée, pour la deuxième année consécutive. Chaque membre du jury a consulté et voté l’ensemble des dossiers de candidatures – cette année 1440 – et les délibérations finales entre les membres de la commissions se sont déroulées du 22 au 25 novembre 2018 en Normandie, à Mesnil-Mauger.

Pour la 69e édition de Jeune Création, la commission de sélection était composée de 10 artistes des éditions précédentes : Maria Alcaide, Charlie Aubry, Paul Bardet, Yasmina Benabderrahmane, Eunbi Cho, Martin Chramosta, Kanaria, Nico Müller, Riccardo Olerhead et Akshay Raj Singh Rathore ; et d’une personnalité invitée, Guitemie Maldonado. La commission a été soutenue par Margot Pietri et Jean-Julien Ney, membres du jury de la 68e édition, modérateurs des délibérations cette année.

Quelques chiffres

57 artistes : 31 femmes et 26 hommes ont été retenus parmi les 1440 dossiers de candidatures reçues.

La plus jeune artiste est née en 1995 et la plus âgée en 1978.

15 nationalités étrangères sont représentées : Algérie, Allemagne, Angleterre, Argentine, Australie, Autriche, Canada, Chine, Espagne, Etats-Unis, Grèce, Italie, Japon, Suisse et Taïwan.

Les sélectionnés

Néphéli Barbas

Résidence protégée, 2017-2018. Installation, dimensions variables. Placo, mdf, peinture acrylique, crayon de papier

Par Safia Loucif

La question de l’exposition est au cœur de la réflexion de Néphéli Barbas, et cela, depuis ses débuts. Sculptant d’abord selon des critères fonctionnels, elle va plus loin désormais en exploitant aussi bien les murs que les sols pour développer son propre environnement urbain. Imprégnée par ses différents voyages, l’artiste explore dans ses œuvres le rapport des personnes à leur lieu de vie. À force d’observations quotidiennes durant ses deux années à Buenos Aires, Néphéli Barbas a ainsi relevé des éléments qu’elle a modelé à son envie et réinjecté dans ses œuvres. C’est notamment le cas de ses grilles de fenêtres, à la fois témoignage d’une attention esthétique et d’une tension sociale palpable. Elle maintient toutefois une distance entre la réalité et son travail en jouant sur les dimensions des grilles. Par sa démarche, Néphéli Barbas modifie l’espace dans lequel elle évolue pour en proposer un nouveau, empli d’anecdotes et de références dont elle seule a toutes les clefs.

www.nephelibarbas.com

Victoire Barbot

3Y (cercle des amours) douce emprise, 2019, brique de mousse, 22 x 8 x 10 cm

Par Nadiejda Hachami

Victoire Barbot examine et collectionne des matériaux récupérés après abandons. C’est à partir d’éléments de rayonnage mêlés à des objets plus personnels, qu’elle compose ces derniers pour faire sculpture. L’artiste réalise ensuite des dessins précis de ces assemblages, conçoit leurs boîtes appelées « Misenboîtes » et finit par créer des « Misàplats » sous forme de patrons en carton. Par ce processus sensible et méticuleux alliant la 2D à la 3D, elle propose plusieurs visions d’une même sculpture. Lorsqu’elles prennent place dans l’espace, ses œuvres induisent différentes formes de tensions. Ses pièces de velours d’ameublement sont tendues à même le mur et ses installations ne tiennent qu’à un fil d’être bousculées. Depuis sa résidence au Mexique, l’artiste s’approprie la technique du bas-relief en revisitant des formes sculpturales sur des briques de mousse artificielle florale. En sculptant minutieusement ce monument dans un matériau atypique elle lui redonne ainsi une perspective contemporaine.

victoiremc.wixsite.com/siteweb

Ludovic Beillard

jeudi (ensoleillé), 2018. 120 x 80 x 5 cm. Latex, pigments, pull, résine

Par Nadiejda Hachami

Il faut voir les œuvres de Ludovic Beillard comme des collages de multiples procédés dans lesquels il fait parler les matières par des gestes oscillant entre expérimentation et artisanat. Par des techniques traditionnelles confrontées au visionnage de tutoriels, son travail est mis en tension autour de cette idée du “faire”. Projetant le spectateur dans un souvenir d’enfance, une anecdote ou une légende, il joue sur l’exagération des attitudes par le grotesque. C’est notamment avec une passion empirique et des références liées à la sculpture gothique, l’époque médiévale ou encore la comedia del arte qu’il compose ses expositions de manière théâtrale. Ludovic Beillard crée également des architectures fonctionnant comme des jeux de hasard. Rythmé par l’envie de capturer le vivant, l’insaisissable pour le figer, c’est de manière alchimique que son travail évoque le bas matérialisme dans un constant questionnement plastique et intellectuel autour de la notion d’informe.

www.ludovicbeillard.com

Prix indépendant : Orange Rouge

François Bellabas

Motorstudies_001, 2018. Photographie, format variable

Par Mégane Remadna

Les photographies de François Bellabas ne sont pas de simples images de voitures, elles sont une étude culturelle des motorcities. La ville de Los Angeles nourrit les souvenirs de son enfance construits grâce aux films d’action américains des années 1990. Cet imaginaire, faisant aujourd’hui entièrement partie de son identité, est mûri par une subtile réappropriation des codes de ce cinéma. Bien que ces images urbaines soient dénuées de présence humaine, François Bellabas éprouve un intérêt particulier pour les populations y vivant. La modélisation 3D et la construction photographique en laboratoire ne se différencient pas, il n’y a pas de séparation entre le monde virtuel qu’il crée et celui présenté au spectateur puisqu’il existe matériellement par l’objet photographique. Son écriture scénaristique manipule le spectateur afin, non pas d’accentuer le monde, mais comme le fait la science-fiction, de proposer une autre version du présent.

www.bellabas.com

David Berweger

Trumpet Oil III, 2016. feuille adhésive, encre, colle, papier. 145 x 222 x 29 cm

Par Antoine Cantiny

David Berweger crée du vrai avec du faux, à moins que ce ne soit l’inverse. Car selon la distance à laquelle nous nous tenons de ses œuvres, elles se métamorphosent, passant du tangible au mirage. Le relief du bois ou de la pierre se changera, à notre approche, en platitude de papier. Comme ce mensonge matériel d’une cheminée d’adhésif qui se montre pourtant de marbre. Ainsi, certaines de ses œuvres qui, tronquées par l’éloignement ou la perspective, ne se révèlent entièrement que dans la marche, qu’au fur et à mesure de notre approche, ne se dévoilent qu’à leur proximité. Comme ces mosaïques éphémères faites de plâtre en poudre coloré dont les motifs, qui miment la tridimensionnalité, ne sont pourtant que les ersatz plats de cette troisième dimension. Peut-être bien que, finalement David Bergewer créé du faux avec du vrai.

www.davidberweger.ch
Prix indépendant : La Cave et Galerie du Filaf

Cécile Bouffard

Enthousiasme II, 2019. 35 x 85 cm. Bois, peinture, métal, textile

Par Nadiejda Hachami

Les œuvres de Cécile Bouffard n’appartiennent à aucune catégorie, elles ne sont ni des sculptures, ni des peintures, mais plutôt le résultat de recherches d’images ou d’observations : détails d’objets, comportements, états ou encore humeurs. Par un processus narratif, l’artiste crée alors du dialogue entre ses différentes pièces. Ses œuvres sont telles des personnages biomorphes et minimalistes qu’elle habille de matières et de textures les rendant aussi organiques que charnels, parfois doté d’une certaine féminité. Souvent ironiques, les titres font partie intégrante de ses créations. À la fois ouvertes à l’interprétation et convoquant le sens commun, la force de ses œuvres repose dans leur subtil caractère incitateur. Face à elles, l’on ressent comme une envie de prendre soin, de toucher, voire d’y glisser la main. Dans un accrochage qui induit l’idée qu’elles sont autoportées, ces œuvres prennent subtilement place dans l’espace. Cécile Bouffard travaille de manière intuitive et sensible et donne également beaucoup d’importance à la collaboration avec des artistes aux univers parallèles.

www.cecilebouffard.com

Zoé Brunet-Jailly

Vidéo-Club, 2018. Vidéo couleur, son, 5 minutes 59

Par Rafaa Bacha

Le travail de Zoé Brunet-Jailly oscille entre photomontages, Gif, animation ou vidéo produits à partir d’images numériques créées ou retrouvées sur le Web. En disséminant certains indices dans l’image, en exploitant certaines failles de l’outil informatique ou en jouant sur le mode d’exposition de l’œuvre, l’artiste ouvre des brèches dans le monde virtuel qui peuvent être ralliées à des théories scientifiques contemporaines (théorie des cordes, multivers…). Elle y trouve une potentielle compréhension du monde, mais surtout une source d’inspiration inépuisable pour créer des images ou plutôt des dispositifs qui questionnent l’acte même de regarder. Son travail est un système clos et autoréférentiel fondé sur l’expérience sensorielle qui permet d’approcher un phénomène complexe. Zoé Brunet-Jailly utilise des outils virtuels qui ne l’empêchent pourtant pas de travailler, en référence à la recherche plastique et picturale, la richesse des effets de matière.

www.zoebrunetjailly.com

Madison Bycroft

Babewyns, 2019. Fausse fourrure, papier mâché, plâtre, résine jesmonite, tambour de marche, acrylique, papier réfléchissant et appareil à fumée

Par Noam Alon

Madison Bycroft travaille avec les médiums de l’art-vidéo, de la performance et de la sculpture. Ses créations évoquent un certain pathos, vidé de son essence, qui crée beaucoup de bruit pour rien. Ce vide se manifeste aussi dans l’expression de deadpan – visage dénué de toute émotion – que portent souvent les non-act.eurs.rices avec lesqu.els.elles Bycroft collabore. La tension, ou bien la stagnation, que ces techniques dramatiques canalisent, pourraient être vues comme un geste politique – une sorte de résistance silencieuse tout de même oppressive. Ainsi, les tableaux vivants de Bycroft semblent nous proposer un mode d’existence dans lequel nos actions n’ont pas nécessairement de but, un monde dans lequel l’accomplissement n’est pas la valeur suprême.

www.madisonbycroft.net
Prix indépendant : Figure Figure

Tanguy Clerc

Palindrome, 2016. Sculpture cinétique et sonore. 30 x 35 x 10 cm

Par Agathe Lorre

Tanguy Clerc développe sa recherche plastique à partir d’objets mécaniques qu’il déconstruit puis assemble pour obtenir de nouvelles sonorités. Suite à ses études en art et design sonores aux Beaux-arts du Mans, son intérêt pour la matérialité ne cesse de croître. « Il faut parfois se laisser surprendre par sa propre pratique ». Ses recherches vont jusqu’à produire des œuvres silencieuses. Penser spatialement ses productions et donner corps à leurs aspects acoustiques sont les fondements de sa pratique. Ces derniers permettent au spectateur de développer sa capacité auditive et visuelle tout en provoquant de nouvelles formes d’immersion. Confronter l’art numérique à des objets anciens (machines à écrire, moteurs…) permet de leur redonner une seconde vie et de les détourner de leur fonction initiale. Ils se trouvent ainsi à la frontière de l’instrument musical.

www.tanguyclerc.com
Prix indépendant : La Folie Numérique ; Mathilde Hatzenberger Gallery

Côme Clérino

3 rue Ornano, vue de l’exposition collective à « Les Grandes Serres ». Crédits Johanna Benaïnous

Par Nadiejda Hachami

Collectionneur de matières, Côme Clérino est un artiste-chimiste très attaché au processus. Inspiré tant par des scènes urbaines que le monde du BTP, ses peintures-sculptures sont rythmées de superpositions colorées et structurées. Son atelier est un laboratoire où les anciennes techniques de crépi côtoient des expérimentations à base de mousse polyuréthane, de céramique, de cire ou encore de latex. Tout commence par un croquis agrandi qu’il emprisonne dans ses matières favorites. Ne laissant de la première ébauche qu’une empreinte fossilisée, ses dessins prennent alors des formes abstraites. Souvent imposantes, ses œuvres sont pensées dans une scénographie où l’expérience du spectateur est centrale. Ses pièces fonctionnent comme des sculptures organiques et montrent que cet hyperactif de la création ne cesse de se réapproprier et de détourner les structures initiales des objets. À l’avenir Côme Clérino souhaite diriger sa pratique vers le textile afin de rendre ses œuvres vivantes par les mouvements des corps.

www.comeclerino.com

Daniel Costa

Untitled and untouched and touched through light to shadow, 2018. Photographie sur collodion humide

Par Milena Stojilkovic

Le travail de Daniel Costa combine plusieurs techniques. Le textile, la photographie et la peinture, chargés d’énergies et d’émotions, se modifient, se transforment mutuellement et révèlent “des espaces interstitiels”. De façon instinctive, l’artiste a toujours intégré le textile à son travail tout en allant au-delà même de l’esthétique de l’objet : il porte en lui une symbolique aussi bien historique que culturelle. Travailler différents médiums lui permet de s’impliquer de plusieurs manières, aussi bien corporellement que spirituellement. Associée à la photographie, qu’il considère trop plane, mais qui lui permet de saisir ce qu’il voit, la peinture lui offre la possibilité de s’exprimer à travers le geste. Synesthète, il associe également les mots aux sons ou aux couleurs. Son travail exprime en somme la « fascination immatérielle d’un monde matériel ».

www.instagram.com/studiodanielcosta/
Prix indépendant : La Richardière

Pauline D’Andigné

Spring Bouquet, 2019. 240 x 300 cm. Impression jet d’encre sur plastiques et matériaux divers. Crédits Mélodie Girard

Par Scarlett Chaumien

Par un chemin troublé, mais envoûtant, le spectateur apprivoise les installations de Pauline d’Andigné. Ces compositions imagées sont le fruit d’un travail émergent en amont, créant le sentiment d’une attirance épineuse, une curiosité voluptueusement morbide. Par le biais de répétitions, de déformations et d’altérations, les clichés originaux, suivant les codes du monde de la mode et de la publicité, amènent au spectateur une impression de déjà-vu. L’artiste parvient à faire d’une ornementation végétale et digitale, une création vitale. Cette matière organique se décline sur différentes surfaces, jusqu’à s’altérer et libérer les formats de leurs supports. Elle parvient à faire d’une ornementation végétale et digitale, une création fondamentale. Sur un jeu de dualité, la séduction émanant de ses œuvres se lie à une vision mélancolique et une colorisation acidulée : deux univers antinomiques s’unissant via leurs contrastes.

www.paulinedandigne.com
Prix indépendant : Galerie du Crous

Jérôme de Vienne invite Amatiwana Trumaï

Amatiwana Trumaï, Ayanu (fête), 1999. Huile sur toile, 50 x 70 cm

Par Antoine Cantiny

Si l’on devait nommer le médium de Jérôme de Vienne, dont les productions, sans se ressembler, arborent toutefois le même reflet légèrement déformé de l’histoire de l’art, il serait celui de la référence. Car c’est souvent d’une méthode, du travail d’un autre, que commence celui de cet artiste. Sans vraiment détourner l’œuvre originale de ce qu’elle est, il en offre de nouvelles perspectives, la réinterprète selon ses propres méthodes. Cependant, pour le salon Jeune Création, Jérôme de Vienne n’expose pas, mais invite à sa place Amatiwana Trumaï, un peintre brésilien de l’ethnie Trumaï. Un artiste qui lui aussi se sert de la méthode, de la technique d’un autre, qui lui permet d’adapter ses propres codes picturaux afin de mieux s’approprier ceux d’une certaine culture dominante. Ainsi Amatiwana troque peaux et géométries au profit de la toile et de la figuration. En découle un art transculturel, inauthentique dans sa conception, mais foncièrement authentique dans ce qu’il conserve, représente d’une culture qui s’étiole au contact de la nôtre.

Prix indépendant : LeChassis

Hugo Deverchère

COSMORAMA – Recordings, 2017. Cyanotypes sur papier Arches Platine, contreplaqué peuplier, 122 x 86 x 6 cm chacun

Par Cecilia Almirón

Entre lois de la physique et lois de l’imaginaire, Hugo Deverchère interprète, recompose et réécrit la réalité dans une recherche qui interroge les limites de notre perception. Dans cette dynamique, l’artiste entreprend la science en tant que processus expérimental et créatif, capable de faire évoluer les représentations. Par le moyen de procédés inspirés de ce mode de connaissance ainsi que de la technologie, il donne forme à des œuvres qui réactualisent les liens entre l’observation scientifique et la fiction, alliant des formes magiques et rationnelles. L’œuvre de l’artiste semble directement sortie du laboratoire ou d’un centre de recherche spatial : l’emploi de protocoles expérimentaux, d’un procédé d’imagerie infrarouge ou d’une intelligence artificielle se mêlent à la création d’images et de phénomènes simples, qui remettent en question la hiérarchie de l’Humain face à l’immensité de l’écosystème. L’idéal anthropocentrique, mis à distance, laisse place à une perspective élargie à toute forme de vie sensible et à tout ce qui nous dépasse dans “l’apparaître” ou le “pour moi” de la chose.

www.hugodeverchere.com
Prix indépendant : Atelier Martel

Fanny Durand

www.amazon.army, Site web, 2019. In progress

Par Safia Loucif

Des procédés décoratifs au service d’œuvres féministes et engagées, telle est la signature de Fanny Durand. Après avoir exploré la virilité, entre broderies et faïence, c’est à la violence politique des femmes que Fanny Durand s’attèle. Pas celle subis, mais celle qu’elles produisent. Délaissant l’artisanat, l’artiste s’est portée sur le numérique pour créer une archive de « femmes guerrières », allant des amazones aux forces kurdes. De ce travail résulte www.amazones.army, un site qui invite le visiteur curieux à découvrir leurs portraits. Une dématérialisation qui rompt avec sa démarche plastique ? Pas selon Fanny Durand qui voit dans le code informatique un artisanat aussi exigeant que le point de croix. La transmission est au cœur de cette œuvre qui consacre des femmes trop longtemps invisibilisées. Employant des techniques traditionnellement féminines pour les hommes et masculines pour les femmes, l’artiste n’a pas fini de mettre à mal les stéréotypes de genre…

www.durandfanny.com
Prix indépendant : Point Contemporain

Elsa Fauconnet

Acropolis Bye Bye, 2018. Extrait de film, 16/9 HD, 19 minutes 23

Par Koudiey Traore

Le traitement onirique et aliéné des images d’Elsa Fauconnet, sur fond d’esthétique kitsch, fait se croiser, s’entrelacer et résonner des mythes, des découvertes scientifiques, des faits historiques et une partie de notre quotidien. L’artiste mêle différentes époques, formes et figures, au travers de mondes inventés qui deviennent alors des vestiges de civilisations historiques et fictives. Dans ses œuvres, composées de fragments de différentes sources, Elsa Fauconnet comble les vides par ses propres narrations. Elle associe, fait grandir et métamorphose ces histoires sous la forme d’une ramification qu’elle nomme des constellations. La narration n’est finalement que le fil rouge permettant l’imbrication de tous ces éléments qui paraissent hétéroclites. Une structure expérimentale, dont le seul but est de créer et d’arriver à faire coexister de nouveaux sens et niveaux de lecture.

www.elsafauconnet.net
Prix indépendant : La Source

Gaadjika

Sous le maillot un message perso, 2019. Huile sur toile, 100 x 100 cm

Par Koudiey Traore

Dans ses vidéos, peintures ou illustrations sur t-shirts, Manon Balaÿ aka Gaadjika, met en scène des archétypes féminins – sorcière, camgirl, cagole, passeuse ou encore footballeuse. L’artiste questionne ainsi des possibles modèles de résistances féministes dans un monde encore patriarcal. Si les scénarios découlent plutôt de la science-fiction et du futurisme, ils restent ouverts à l’idée d’exister et d’agir sur la réalité. Gaadjika use d’un univers domestique pour ses micro-récits de science-fiction et joue de ces espaces, d’où émanent encore certaines idées préconçues concernant la femme, comme la chambre ou la cuisine. Cela lui permet d’en extraire une esthétique non plus négative, mais qui, poussée dans ses derniers retranchements, peut servir certaines causes telle que la disparition de la classification du genre.

www.instagram.com/gaadjika/

Hilary Galbreaith

Bug Eyes Episode 1, 2019. Vidéo, 27 minutes. Production In Extenso

Par Océane Jakubec

Jonglant entre les médiums et les ressentis, Hilary Galbreaith nous emmène dans ses créations à l’esthétique délibérément kitsch et cheap où l’absurde côtoie le grotesque avec une certaine légèreté. Une réalité enfantine déformée et réinventée, selon sa propre sensibilité, dans laquelle ondoie cet indéfinissable sentiment d’inquiétante étrangeté.
 Ce laboratoire d’expérimentations engendre des créatures fantasques évoluant au sein d’univers do it yourself bricolés en papier mâché et en collage de matériaux récupérés attirant l’attention par leurs couleurs perçantes. Son travail découle de questionnements sociétaux et de ses propres obsessions quotidiennes autour de la mutation des corps et sa mise en relation avec les technologies de notre temps. Ses mini-fictions nous conduisent peu à peu dans un espace weird où nous sommes tiraillés entre attrait et dégoût. Des scénarios relatifs à ceux de série B évoluant dans une atmosphère pesante aux formes naïves et spontanées sur fond d’humour noir saturé de couleurs.

www.hilarygalbreaith.tumblr.com

Terencio Gonzalez

The sun shines bright, 2016. Acrylique, collage sur papier et spray sur toile, 200 x 200 cm.

Par Marie Girard

« Transmettre dans mon travail les émotions que je ressens en observant la lumière, les couleurs et les scènes urbaines ».
Terencio Gonzalez est un artiste au travail intuitif et abstrait. Ses déambulations citadines le touchent beaucoup. Il les retranscrit à l’aide d’affiches urbaines qu’il récolte auprès de petits imprimeurs argentins, le rattachant à ses origines et à l’architecture. Les couleurs, les textures, la qualité d’image, la fragilité du papier, les défauts de ces affiches, tout cela le charme. Celles-ci ont une dimension culturelle, politique et sont un moyen de communication pour la population. Leurs lettrages réapparaissent tel un spectre sur la toile : « une forme de poésie mémoire » pour l’artiste. Ses œuvres aux formats variés laissent place à des couleurs vives, puissantes et lumineuses qui se révèlent peu à peu sur la toile et se fondent entre elles dans un jeu d’assemblage et de superposition d’affiches.

www.terenciogonzalez.com

Juan Gugger

All That is Melted Solidifies on Surfaces, 2017. Dimensions variables, maille en métal et béton

Par Antoine Cantiny

Avant la sculpture de Juan Gugger, il y a ses préoccupations : les transformations anthropiques, cette constante ambition qu’à l’Humain de façonner son territoire, qu’elle soit volontaire ou non.
De cet urbanisme et de ses fréquents changements que l’artiste interprète comme des « métamorphoses psychologiques et traumatiques du paysage », il en collecte le symbole, l’anecdote, l’accident qui, une fois passé par la mutation sculpturale, se révéleront d’eux-mêmes. Mais ces métamorphoses ne sont pourtant pas toutes aussi visibles que le réarrangement d’un relief. C’est pourquoi l’artiste met aussi en avant l’implication minime mais existante du citadin dans le changement constant de son propre décor. Ainsi les traces de semelles, les constellations de chewing-gum, la détérioration d’un espace devient alors les composantes fondamentales de l’œuvre de Juan Gugger. Ainsi, de l’accident, naît la sculpture et le quotidien devient sculptural.

www.juangugger.com

Shani Ha

Mitoyen, 2020. Haut-parleurs, équipement audio, bois, ciment, tissu miroir, mousse d’ameublement. 130 x 255 x 50 cm. Coproduction : EsterGrant (pièce sonore)

Par Koudiey Traore

Shani Ha imagine ses œuvres avec une dimension participative, mêlant ses sculptures à la contribution du public, invité lui-même par les performeurs. Elle établit ainsi une connexion entre l’objet et le spectateur, chez lequel apparaît une autre forme de réceptivité et de sensibilité. L’artiste semble rechercher l’empathie du visiteur par la retranscription de son quotidien dans des lieux particuliers, mais aussi en jouant avec le silence ou l’absence. Elle conçoit des objets uniques et particuliers, se moulant parfaitement aux espaces les plus communs grâce à l’appropriation de ces derniers par le spectateur. Afin d’établir un dialogue avec chacun, toucher aux valeurs universelles, Shani Ha fait resurgir chez chacun d’entre nous, notre singularité, non pas comme une frontière ou un obstacle, mais comme un élément permettant de faire émerger nos similitudes les plus habituelles, comme celles des battements de notre cœur.

www.shaniha.com
Prix indépendant : La Folie Numérique

Sally Hackett

Couples Arguing, 2018. Céramique émaillée. En collaboration avec Panel et France Lise McGurn

Par Nadiejda Hachami

Grande observatrice de ce qui l’entoure et attentive aux récits de ses proches, Sally Hackett est une artiste sensible et pleine d’humour. Ses personnages en argile, souvent non genrés, sont des allégories d’expériences familières. Son travail se veut accessible à tous par son esthétique colorée, naïve et enfantine, ainsi que par les sujets qu’elle aborde. L’artiste souhaite déconstruire l’idée que les adultes doivent faire des œuvres « sérieuses et réalistes » et dit vouloir créer des « sculptures d’empathie ». Tantôt drôles, tantôt tristes, ces dernières sont surtout dramatiques ! Inspirée par l’exagération émotionnelle présente dans les cartoons, Sally Hackett créée des bonhommes pleurant des torrent de larmes ou plantant des couteaux surdimensionnés dans le dos de leurs voisins symbolisant la douleur des relations humaines. L’amour est un de ses sujets de prédilection, la monogamie et les scènes d’adultère sont récurrentes, mais grâce au recul humoristique et satirique qu’elle leur donne, elles nous font subtilement rire.

www.sallyhackett.co.uk

My-Lan Hoang-Thuy

Papiers, feuilles et ampersands, 2019. Liant acrylique, pigments, dimensions variables. Crédits Mélodie Girard

Par Safia Loucif

My-Lan Hoang-Thuy distille son histoire personnelle et les récits de ses parents dans des œuvres dont la minutie rappelle les artisanats traditionnels asiatiques. D’origine vietnamienne, cette artiste joue sur les matières, leur apparente fragilité et la poésie qui en émane pour insuffler une dimension sensible dans ses travaux. Ils évoquent de petits objets, anciens et précieux, dont la fonction aurait été oubliée. Du fait de leur dimension, le visiteur est obligé d’être très proche de l’œuvre pour en profiter pleinement, créant ainsi un rapport intime et privilégié. My-Lan Hoang-Thuy affine sa démarche artistique au fil de ses réflexions, notamment éthiques. D’abord adepte des méthodes industrielles, elle les a abandonnées progressivement pour finalement être seule à agir sur ses œuvres. Elle laisse toutefois une place au hasard et à l’accident qui donne à chaque production une impression de spontanéité.

www.mylanhoangthuy.fr
Prix indépendant : Artpress

Olivier Jonvaux

Utah teapot, 2018. Dimensions variables. Théières, tasses, soucoupes et cuillières en porcelaine, faïence et grès, émaillé et biscuité. Crédit Mélodie Girard

Par Tatiana Marushchak

Le travail d’Olivier Jonvaux explore la vie des objets, de leur création à leur destruction, par l’emploi d’une multiplicité de médiums. L’utilisation de l’argile, du ciment, du papier, de la pâte à modeler, se complète d’une dimension immatérielle par le biais de la modélisation 3D.
Dans ses installations, sculptures et vidéos d’animations, il détourne les caractéristiques des objets, pour mieux les extraire de leur attribution ou de leur origine. La réitération de formes banales, prélevées du quotidien de l’artiste, se joue du statut de l’œuvre par une indétermination recherchée. L’artiste bouscule notre relation au monde, qu’il soit réel ou virtuel, par une réflexion sur la fétichisation des objets, leur stabilité supposée et leurs modes de circulation.

www.olivierjonvaux.com
Prix indépendant : Atelier d’Art de la Réunion des Musées Nationaux – Grand Palais

Raphaël Julliard

Bâton (série), 2018, bois, peinture, visserie, 100cm chaque ; Circling my shadow (série), 2016, peinture, carton de couleur, 40 cm chaque ; Kriss-kross (série de cinq dessins), 2018, fusain sur papier, 50 x 70 cm ; Drop it like it’s hot (série), 2019, aquarelle sur papier, 15 x 15 cm ; Des hauts et des bas, 2019, peinture murale, dimensions variables ; À point (série), 2015, crayon sur papier bleu, 15 x 20 cm. Crédit Mélodie Girard

Par Marie Girard

« Faire l’expérience, se donner un but, pousser les logiques jusqu’au bout, quitte à ce que cela devienne absurde, étrange, bizarre, en suivant toujours un paradigme que l’on s’est fixé. » Raphaël Julliard, artiste genevois, souhaite que son travail, à la fois théorique et pratique, soit lié à différentes techniques et à divers procédés. Des œuvres alors multifacettes qui tendent toutes vers un seul but, celui de « l’expérience d’un même fil rouge qui parcourt les différentes formes qu’il fait apparaître ». Raphaël Julliard se place dans une logique d’expérimentation, tout en questionnant la création artistique, le processus de fabrication de l’objet, les sciences et la physique quantique. Ses productions, parfois teintées d’ironie, faites de paradoxes et de tensions, sont une forme de documentation d’elles-mêmes et se situent dans un processus général dont l’artiste aime conserver la trace.

www.raphisme.ch
Prix indépendant : Marin Beaux-Arts

Stefanie Kägi

Untitled, 2018. 180 x 120 cm. Impression jet d’encre, broderie, acrylique et sérigraphie sur toile

Par Tatiana Marushchak

Stefanie Kägi travaille à la croisée des beaux-arts et des arts appliqués. Les motifs entremêlés et les formes abstraites colorées de ses peintures et textiles reproduisent l’esthétique de l’imagerie numérique. Dépassant souvent les cadres, ils donnent naissance à des peintures murales et s’étendent sur de longues bandes de tissu. L’artiste combine des méthodes artisanales avec des technologies industrielles. Les effets de glitch numérique sont complétés par les imperfections de la broderie manuelle. La vitesse de la machine est opposée à la lenteur de l’artisanat. Cependant, il n’y a pas de hiérarchie entre ces techniques – l’analogique et le numérique dans son travail sont sur un pied d’égalité.

www.stefaniekaegi.com

Kitty Kamp

Love and Distroy, 2016. Vidéo, 2 minutes 03

Par Noam Alon

Les œuvres vidéo de Kitty Kamp prennent souvent la forme d’un tutoriel – un guide d’apprentissage via Internet – où elle nous apprend qu’elle n’a rien à nous apprendre. Une maîtresse émancipatrice, comme le dirait Jacques Rancière, une artiste qui nous offre plusieurs possibilités singulières de traiter un objet, sans lui donner une seule fonction légitime. La logique utilitaire qui se manifeste sans trêve dans le quotidien est ici, hors de propos – l’œuvre génère une sorte d’hétérotopie, ne répondant plus alors qu’à ses propres règles et normes. Dans son processus artistique, Kitty Kamp cherche à déconstruire le mythe de l’artiste-omniscient, en nous proposant à chaque fois un chemin sans objectif prédéfini. Les objets qu’elle trouve dans son environnement immédiat lui servent à réaliser des séries d’actions dans lesquelles l’efficacité devient obsolète.

www.cargocollective.com/kittykamp

Tzu-Chun Ku

La rose est sans pourquoi, 2017. Installation vidéo, 10 minutes en boucle

Par Emma Brahim

Les œuvres de Tzu-Chun Ku se définissent par des événements qu’elle observe et apprivoise. Une attention particulière est portée sur les corps multiples qui se placent sur son chemin qu’elle considère comme des rencontres. L’espace et la lumière sont captés tels qu’ils se présentent. Pensées dans une certaine objectivité, ses installations créent une démarche artistique singulière et poétique. À travers un geste, souvent imperceptible, le lieu ou l’objet visé est mis en lumière. Ces petites interventions saisissent une atmosphère qui souligne l’authenticité de l’environnement. De nouvelles sensations produites par les caractéristiques et le potentiel du lieu s’offrent au visiteur. Photographies, vidéo et sculptures sont données à voir dans leurs formes originelles. En émane ainsi un laboratoire de variations et d’événements dans le temps. L’artiste crée un dialogue entre ces objets et pointe leur existence en les déplaçant et en les réagençant. Ces conditions d’apparition mettent alors l’espace au cœur de l’attention.

www.kutzuchun.com

Pauline Lecerf

La musique d’attente de la médecine en mer, 2019. Téléphones, cables, édition papier et meubles, enceinte, casque, matériaux divers. Coproduction : Arte Radio, le CAC Meymac. Crédit Mélodie Girard

Par Océane Jakubec

Artiste « hors format », Pauline Lecerf s’inscrit dans un art que l’on pourrait décrire comme post média. S’exprimant à travers des formes plurielles, elle aborde avec humour et absurdité des sujets relatifs à notre condition amenant le spectateur à une constatation réflexive. Un regard atypique et propre, lié à une recherche de la beauté des choses futiles, qui questionne avec justesse l’état fragile et inconstant de l’être humain. Entre légèreté du trait et force du discours, comique et tragique, ses interprétations sociétales, fonctionnant grâce à un dialogue et un échange avec le spectateur, mettent en lumière le pouvoir des images occidentales et notre manière de les consommer. À travers la maniabilité des mots et des médiums, la démarche contextuelle de Pauline Lecerf s’articule dans le visuel et le sonore. Elle propose ainsi une transcription personnelle du réel qu’elle redéploie dans notre réalité.

www.paulinelecerf.fr
Prix indépendant : Art Connexion ; Fugitif ; Galerie Municipale Jean Collet

Vincent Lemaire

Rayonnement égocentrique S6 12 017 EH. Installation, 49 x 38,5 cm. Tirages noir et blanc sur papier Ilford baryté brillant, carton de bois, verre 2mm, adhésif coton noir sans acide.

Par Xueqi Liu

Vincent Lemaire s’intéresse à la représentation de l’univers et à la cosmologie. Son goût pour l’astrophysique se transforme peu à peu en une volonté d’élargissement du monde visuel. Comment présenter l’univers et réduire la distance entre le monde réel et notre cognition ? Les productions de l’artiste oscillent entre microcosme et macrocosme, de l’infiniment petit à l’immensément grand, et inversement, brouillant ainsi la perception réduite du spectateur. Bien que les capacités humaines à percevoir le monde soient limitées, l’artiste cherche à en traduire la spatialité et la temporalité. Il s’intéresse d’ailleurs à la théorie des cordes qui préfère aux quatre plans d’existence communément admis, onze, voire vingt-six dimensions. Vincent Lemaire indexe les traces de ces mondes quasi-invisibles et en propose parfois des collections insolites.

www.20100lemaire.com

Gwilherm Lozac’h

Faire de l’art une école d’art, 2017. Acrylique sur sac à dos.

Par Alexis Lacombrade

La pratique de Gwilherm Lozac’h est transdisciplinaire. Il navigue aisément entre la poésie, la peinture et la sculpture. Loin de se cantonner à une pratique, il utilise au contraire une grande variété de media, au service de l’expression des idées qu’il souhaite retranscrire dans le tangible. L’ineffabilité est certainement sa devise : exprimer par des mots, des objets et des images ce qui ne peut pas être nommé ou décrit, en raison de sa nature, de sa force ou de sa beauté. Dans ses recherches, Gwilherm Lozac’h cherche à faire parler ses œuvres par elles-mêmes, les rendant autonomes de tout discours annexe. Celles-ci sont à appréhender avec simplicité et peut-être une certaine dérision. Elles découlent de l’usure de concepts sans cesse ressassés jusqu’à les rendre absurdes, voire en extirper un sens caché, un peu comme lorsque l’on se répète cent fois le même mot jusqu’à ce que celui-ci change de la signification première qu’on lui donnait.

www.gwilhermlozach.com

Adrian Mabileau Ebrahimi Tajadod

Turn me on, 2019. Peinture à l’huile sur toile marouflée, 24 x 17 x 20 cm

Par Noam Alon

Le travail artistique d’Adrian Mabileau Ebrahimi Tajadod suggère une sorte de naïveté provocatrice. Son langage visuel fait écho au style esthétique décrit par la théoricienne Susan Sontag, le Camp. Celui-ci désigne des phénomènes culturels dotés d’une beauté ironique et effrontée qui remet en cause les normes dominantes du goût. Cela s’incarne dans les motifs de Mabileau Ebrahimi Tajadod qui mélangent le sexuel, le sacré et la violence dans un même élan. Il ne s’agit pas simplement d’un iconoclasme, mais aussi d’une critique contre le monde de l’art lui-même. Les œuvres fonctionnent alors comme des échecs artistiques délibérés, ébranlant toute tentative de création d’une représentation ; surtout à l’époque contemporaine où l’explicite règne.

www.tajadior.fr

Karen Amanda Moser

Cont(r)acter, 2019. Tissu, 7 x 2 x 30 cm. Crédit Mélodie Girard

Par Nadiejda Hachami

Pour Karen Amanda Moser, le concept est un matériau capable d’amorcer une critique institutionnelle. C’est avec une approche méta-critique que l’artiste observe, détourne, et questionne les systèmes des musées et des galeries. Toujours avec un ton ironique, elle s’imprègne du contexte dans lequel elle expose pour concevoir des site-specific. Mettre une caméra de surveillance comme seule œuvre dans une ancienne poste ou encore, créer une structure lumineuse visible seulement la nuit dans une galerie ouverte uniquement le jour. L’artiste joue avec nos sens et interroge les notions de public-privé, de présence-absence, ou encore d’espace-temps. La frontière entre le visible et l’invisible est mince dans son travail, cependant elle nous donne des indices par des titres, des phrases humoristiques tendant parfois vers l’absurde. Le langage devient alors un matériau provocateur qu’elle s’amuse à faire surgir à hauteur du regard des spectateurs.

www.karenmoser.ch

Faye Mullen

Du mur au sol, 2018. Performance et installation 9h-18h pendant 10 jours

Par Camille Vanrhournout

Sculptant l’espace, Faye Mullen pratique la performance tel un rituel silencieux. D’origine autochtone – Anishinaabekwe -, elle s’intéresse aux mystères de cette culture en revisitant une gestuelle archaïque et en tendant à une horizontalité des genres. À la fois femme et faisant partie d’une minorité, elle participe au féminisme intersectionnel, qu’elle défend dans son travail performatif non-binaire. Depuis l’âge de 8 ans, l’artiste se soumet au silence et résiste au langage afin de développer sa communication au-delà de la parole elle-même. “Je reconnais l’agentivité que nous possédons dans notre voix et dans nos silences”. Une ambivalence qui se ressent également dans sa manière de filmer ses performances, où elle mêle le mouvement et la succession de plans fixes, habitant l’espace de son corps dans une sensibilité sculpturale.
www.fayemullen.com

Chrystele Nicot

Huddle room, 2020. Installation intéractive. Coproduction : Antoine Alesandrini. Avec le soutient du ZIL Cultural Center, Moscou. Crédit Mélodie Girard

Par Cecilia Almirón

Sous le signe du détournement, l’œuvre de Chrystele Nicot s’inscrit dans le paradigme de la mondialisation, d’une culture globalisée et hyperconnectée. Consciente de la puissance de persuasion exercée par les médias de divertissement ainsi que du pouvoir de la fiction, l’artiste se nourrit des codes cinématographiques et de la culture populaire (des jeux vidéo, des web-séries et des réseaux sociaux) pour créer ses vidéos. De l’intrigue et du drame amoureux en passant par la télé-réalité, le thriller ou la fable historique, elle joue avec les paramètres de construction narrative. Elle parcourt et revisite le vaste spectre de ces genres tout en désamorçant les règles habituelles. L’artiste interroge l’impact des stéréotypes et met en tension les attentes du spectateur. Derrière ses archétypes et ses mises en scène élémentaires qui frisent la parodie, se dégagent des questions essentielles sur le pouvoir des images et leur répercussion sur la nature de nos relations.

www.chrystelenicot.blogspot.com
Prix indépendant : Diamètre

Deirdre O’ Leary

To embody a fruit, 2019. Installation, dimensions variables. Crédit Mélodie Girard
Par Nadiejda Hachami

Deirdre O’Leary imagine ses œuvres comme des poèmes surréalistes qui prennent forme dans l’installation, la vidéo, la photographie et la performance, et tendent à faire basculer le réel vers l’onirique. L’artiste démarre son travail par des phrases, des textes, qui transforment ainsi le langage en de multiples images. Elle s’intéresse aux relations et connexions possibles entre l’idée, l’objet et la matière. Selon Deirdre O’Leary, il n’est pas nécessaire de tout définir au préalable, ses œuvres servent à faire grandir les imaginaires et chacun peut « lire son livre avec son propre langage ». Tel un voyage intérieur, elle s’intéresse à la somatique et à sa relation avec l’esprit, mais aussi à l’ésotérisme en usant du mystique ou autres significations astrologiques. Deirdre O’Leary développe une philosophie capable de transformer la vie de manière sociale et politique et invite le spectateur à ouvrir ses perceptions au monde extérieur.

Prix indépendant : DEDAZO

Gwendoline Perrigueux

Jelly Fizz, 2019. Sculptures comestibles et performance avec Julien Deransy et Lorenz Jacques Chaillat. Champagne, gélatine, poivre et paillettes, combinaisons de tissu néoprène

Par Agathe Lorre

Gwendoline Perrigueux saisit les possibilités architecturales, contextuelles et matérielles qui lui sont offertes pour penser ses œuvres et les rencontres qu’elles créeront. « Je veux que chaque jour soit une fête ». La matière est très importante dans la démarche de l’artiste qui touche à tout, tout le temps. Elle aime comprendre la texture, la couleur et la forme qu’elle utilise comme un lien entre le spectateur et elle-même. En associant des matériaux qui n’auraient jamais eu à se rencontrer, elle leur permet de faire corps, avec les œuvres environnantes et entre les individus. Il nous est permis d’avoir une proximité secrète avec ses œuvres, une tentation charnelle, créant un récit érotique et fantasmé. Sa pratique est avant tout quelque chose de sensuel qu’elle veut « acidulé », une extension de son propre corps mis en jeu.

www.gwendolineperrigueux.com
Prix indépendant : Villa Belleville

Emilie Pierson

Le joueur de vielle à roue, 2018. Installation, armoire en bois, 179 statuettes en plâtre. 130 x 210 x 51 cm. Crédit Mélodie Girar

Par Nadiejda Hachami

Fascinée par des échanges épistolaires, des statuettes et des photographies, Emilie Pierson compose des installations qui mêlent la sculpture, l’écriture et la vidéo de manière sensible et minimale. C’est après la perte de son père que l’artiste développe une pratique artistique très personnelle basée sur la reconstruction d’une mémoire évaporée. Entre passé et présent, elle tente de faire le deuil, menant une enquête dans laquelle les objets et les discours sont les derniers témoins. C’est donc à partir de cette nostalgie familiale que l’artiste franco-bulgare fait de la mémoire un thème de prédilection. En effet, Émilie Pierson s’inspire de nombreux rites traditionnels bulgares en proue à disparaître. Elle souhaite se rapprocher de leurs formes initiales par des gestes pris entre authenticité et contemporanéité. Ses œuvres s’adressent au commun des mortels et touchent de près au mysticisme de la vie ainsi qu’à l’archivage et la conservation des mémoires.

www.emiliepierson.com

Justine Pillon

Retro futuristic home, 2019. Installation composée à 83,94% de plastique disposé sur 8,16m2 / Ou 183,55 kg d’objets divers dont 39,65kg de plastiques / Soit 13 sortes de matières pétrochimiques dont 53,66% ne sont pas recyclables/ dont 48,72% sont dangereux pour la santé et dont 38,46% sont potentiellement dangereux pour la santé. 240 x 340 cm. Crédit Mélodie Girard

Par Marie Girard

« J’ai baigné toute ma vie dans ces objets, ils sont l’origine de l’esthétique de mon travail, c’est ma source d’inspiration ».
Justine Pillon souhaite ne pas faire de distinction entre son statut d’artiste et son statut de designer auteur, deux univers qui lui permettent de penser ses installations. Ses « appartements sans utilité » sont un ensemble d’objets usuels transformés que l’artiste détourne, bricole, assemble, parfois avec humour. Justine Pillon en annule le sens et la fonction pour troubler et frustrer le spectateur. Un jeu entre l’habitat et l’habité, entre le meuble et la sculpture. Elle porte un attachement affectif aux objets récupérés qui peuvent parler de soi, avec une idée de « quintessence ». Pour elle, l’objet doit avoir une histoire, un vécu. Elle propose cette année un appartement inspiré de la Maison du futur de 1957.

www.justinepillon.com
Prix indépendant : Lieux-Communs

Plume Ribout Martini

Millimétré, 2017. Photocopie sur papier, 21 x 29,7 cm

Par Rafaa Bacha

Plume Ribout Martini nourrit un intérêt pour les objets présents dans les espaces collectifs, standards, discrets et peu visibles. Petits ou transparents, ils se fondent dans l’espace urbain. Son travail, en décontextualisant et en éthérisant ces objets, transforme la perception que l’on peut avoir de ceux-ci.
À partir d’un va-et-vient entre le terrain et l’atelier, elle opère un tri dans les détails de l’objet. Entre les techniques pointues de l’industrie et les techniques plus démocratisées, telles que la photocopie ou l’impression, l’artiste développe une pratique qui questionne par le travail de la main et de l’artisanat l’anonymat de l’objet. L’industrie et l’architecture sont interrogées dans leur rapport à l’expérience personnelle. Les potentialités d’un objet commun sont démultipliées dans des installations modulables. Le spectateur est au centre de l’œuvre : tel un acteur, il s’insère dans un décor aménagé par l’artiste, son regard en réactualise le sens.

www.plumeriboutmartini.com

Anthony Plasse

Paroi d’une chambre noire, 2019. Émulsion photosensible argentique sur toile. 175 x 110 cm ; Sans titre, 2019. Émulsion photosensible argentique sur toile. 47 x 38 cm / Études – les lumières voisines, 2019. Livre. 33 x 26,5 cm ; Études – les lumières phosphorescentes, 2019. Livre. 33 x 26,5 cm. Crédit Mélodie Girard

Par Rafaa Bacha

La fuite de la représentation a souvent été le moteur d’Anthony Plasse. Il cherche à donner du sens à l’acte créateur sans passer par la légitimation de l’image. Son questionnement et sa pratique découlent d’un geste premier qui est le recouvrement de surfaces de papier blanc par une poudre noire comme le néant recouvrant une étoile morte dont ne subsiste plus que la lumière. Par un geste d’orpailleur, il fait apparaître par réserve des formes spectrales. Ces dessins conduisent l’artiste sur la piste de la photographie, l’investigation technique et la création d’outils qui vont devenir les axes majeurs de sa recherche. Il développe un travail minutieux pour créer des images semblables à des photogrammes de grande taille. Pour éviter le contrôle du résultat de ses investigations plastiques, il limite le geste de la main, choisit de mettre un écart entre son corps et le support, travaille à l’aveugle et multiplie les étapes de création.

www.anthonyplasse.com

Winnie Mo Rielly

Two missing legs, right, 2019-2020. Installation, matériaux mixtes. Dimensions variables. Crédit Mélodie Gira

Par Megane Remadna

Le travail de Winnie Mo Rielly ressemble à de la sculpture, de la photographie, de la performance : il est en réalité un mélange des trois. À l’aide de matériaux pauvres tels que le papier et le carton, l’artiste crée chez elle des espaces qu’elle photographie. C’est à partir de ces environnements fictifs et intimistes qu’elle conçoit des structures 3D organiques dans lesquelles viendront parfois s’insérer des performeurs en action. Les mouvements spontanés de leurs corps dialoguent ainsi avec la sculpture fixe. La finalité de la démarche performative de Winnie Mo Rielly résulte de la théorisation de la gesticulation observée. Pour elle, le mouvement découle de la pensée qui viendrait l’influencer. Par cela, elle vise à démontrer que les mouvements du corps ne répondent pas simplement à une obligation de déplacement.

www.winniemorielly.com

Guilhem Roubichou

Le Tas, sols de Romainville, 2019. Terre et sols de la Fondation Fiminco, eau, arrosage automatique. Dimensions variables. Crédit Mélodie Girard
Par Milena Stojilkovic

Guilhem Roubichou se réapproprie son quotidien et sa culture “néo rurale” en les déplaçant dans le champ de l’art. Il crée un contraste entre des systèmes naturels et des systèmes artificiels et joue avec la “technologie-gadget” qui se démocratise, en détournant leurs fonctions premières. Il expérimente, construit des dispositifs et réexploite ce qu’il nomme des “accidents heureux”. Entre tas de terre, argile, sacs en plastique ou panneaux photovoltaïques, l’artiste crée un lien par le biais de ses œuvres avec le spectateur, guidé par un souvenir commun, une réminiscence qui relève du banal. Son travail porte un regard critique sur l’absurdité des choses. En jouant avec les codes qui sont ou ne sont pas les siens, il analyse notre rapport à la technologie et les transformations qui s’opèrent dans notre société contemporaine sur nos paysages, le tout avec légèreté et humour.

Matthieu Sanchez

Pratique Cinématographique, 2012. Vidéo, 11 minutes. Performance étendue sur 1 an

Par Milena Stojilkovic

Le travail de Matthieu Sanchez est principalement performatif, mais il inclut d’autres pratiques comme la vidéo ou l’écriture. L’artiste cherche la meilleure condition pour produire, le meilleur lieu à investir pour pouvoir expérimenter, seul, la plupart du temps. Dans une dynamique réflexive perpétuelle, il se met souvent en situation, en se confrontant à l’ennui, à la solitude, à l’épuisement corporel ou intellectuel qu’il fait suivre d’un long travail d’écriture et de conceptualisation. Matthieu Sanchez s’interroge sur “l’impossibilité de rendre compte d’une expérience” et réfléchit au processus de monstration d’une œuvre et des traces qu’il en reste. Il pose également la question de l’œuvre et de ses possibles limites. L’artiste travaille sur son quotidien, sur l’expérience ou l’existence en analysant par exemple « les choses que l’on fait qui n’ont pas de sens, mais qui sont essentielles ».

www.matthieusanchez.com

Stefanie Schwarzimmer

Silent Revolution, 2018. Animation 3D, 9 minutes 50

Par Koudiey Traore

Et si les images avaient commencé une révolution silencieuse, dans le but de dépasser la représentation ou la simulation ? Dans les fictions de Stefanie Schwarzwimmer, tout est artificiel, mais avec une maîtrise si parfaite que distinguer le virtuel du réel n’est pas possible. Simulacre ou simulation, il y a dans ses œuvres la copie à l’identique de notre monde contemporain, sans que l’artiste ne se base sur un original. Elle pose ainsi la question d’un possible réalisme spéculatif, une éventuelle dimension en marge où existe différents niveaux de réalité. Dans son travail, il n’y a aucune présence humaine, mais uniquement son évocation. C’est par le biais des objets du quotidien qu’elle utilise (assiette, chaise longue, …) qu’elle renvoi à cette absence. Des détails animés de manière fantomatique qui mélangent réalité et fiction.

www.stefanieschwarzwimmer.cargo.site/home

Raphaël Sitbon

Au pied du lit, 2019. Tapisserie, 220 x 220 cm
Par Marie Girard

Raphaël Sitbon raconte des histoires en puisant dans divers registres que ce soit la peinture classique, la culture populaire ou bien encore le mobilier étranger. Aujourd’hui, il préfère laisser au second plan le répertoire de l’histoire de l’art, pour se concentrer davantage sur le dessin, domaine dans lequel il se dit « proche de la caricature d’un objet, d’une situation ». Des dessins spontanés, inspirés de ses voyages en Asie, en Orient, en Amérique centrale… Lors de ses expéditions, l’artiste aime récolter et collectionner, mais en particulier créer des collaborations uniques avec des artisans aux multiples savoirs-faire. « L’artisan amène d’autres choses imprévues, une narration pas encore totalement défini ». Raphaël Sitbon joue ainsi avec plusieurs dimensions narratives. Apparaissent alors des œuvres hétéroclites entre art et artisanat, des objets hybrides qui oscillent entre mobilier, peinture et sculpture.

Prix indépendant : Artpress ; Pavillon Pantin

Marcos Uriondo

Alli (là-bas), 2019. huile et transfert sur toile, 300 x 230 cm ; Aqui (ici), 2019, huile et transfert sur toile, 322 x 180 cm ; Ahi (là), 2019, huile et transfert sur toile, 154 x 128 cm ; Souvenirs, 2019, céramique et bois, dimensions variables. Crédit Mélodie Girard

Par Emma Brahim

Raphaël Sitbon raconte des histoires en puisant dans divers registres que ce soit la peinture classique, la culture populaire ou bien encore le mobilier étranger. Aujourd’hui, il préfère laisser au second plan le répertoire de l’histoire de l’art, pour se concentrer davantage sur le dessin, domaine dans lequel il se dit « proche de la caricature d’un objet, d’une situation ». Des dessins spontanés, inspirés de ses voyages en Asie, en Orient, en Amérique centrale… Lors de ses expéditions, l’artiste aime récolter et collectionner, mais en particulier créer des collaborations uniques avec des artisans aux multiples savoirs-faire. « L’artisan amène d’autres choses imprévues, une narration pas encore totalement défini ». Raphaël Sitbon joue ainsi avec plusieurs dimensions narratives. Apparaissent alors des œuvres hétéroclites entre art et artisanat, des objets hybrides qui oscillent entre mobilier, peinture et sculpture.

www.marcosuriondo.com
Prix indépendant : art-exprim ; Galerie du Haut Pavé

Camille Varenne

Pedra e poeira, 2019. Vidéo HD et sons, 35 minutes. Co-réalisé avec André Parente et le collectif Suspended Spaces

Par Cecilia Almirón

Derrière la caméra, Camille Varenne mène une recherche à la fois visuelle et humaine oscillant entre le documentaire et la fiction, l’art et l’anthropologie, la salle d’exposition et la salle de cinéma. Dans ses vidéos, l’altérité se dessine comme un terrain de jeux, de dialogues et d’échanges culturels. L’artiste fait travailler les écarts entre les langues, les pensées et les individus qu’elle interroge pour produire du débat, du commun. Loin d’un idéalisme universaliste ou de l’idée d’une vérité objective, ses films ouvrent des distances qui dépassent les antagonismes, font apparaître les différences parmi les semblables et mettent en tension la réflexion. Conçus souvent en tant qu’espaces de négociations, ils sont le résultat d’une coopération : un équilibre hybride entre les désirs créateurs de l’artiste et ceux des personnes et communautés auxquels elle rend hommage. La caméra, démystifiée, devient un outil de rapprochement fondé sur la réciprocité. Camille Varenne filme librement, laisse circuler la parole et l’expression des mouvements sans contention. Face à la caméra, ses personnages se réinventent.

www.camillevarenne.com

Manuel Vieillot

Frosted flake, 2019. Plastique, papier, peinture, 30 x 19 x 6 cm ; Frosted flakes, 2018. Plastique, papier, peinture, 30 x 19 x 6 cm ; Boarding pass, 2018. Plastique, peinture, 21 x 29,7 cm ; Vrai et faux ami I & II, 2018. Plastique, métal, peinture, ampoules LED, 60 x 30 x 30 cm chaque. Crédit Mélodie Girard

Par Rafaa Bacha

Deux dimensions se font face et échos : l’espace physique et l’espace virtuel. D’un côté des objets performatifs, qui sont l’occasion de créer une rencontre génératrice d’images, de l’autre, des dessins, produits sur ordinateur, destinés à l’espace virtuel ou imprimés sur des objets et retravaillés. L’ensemble du travail de Manuel Vieillot fonctionne comme un système auto-référencé. Des constantes rythment ses pièces : la bulle de discussion, les personnages, les couleurs spécifiques à la palette de l’artiste… L’apparition et l’effacement, le recouvrement et le dévoilement organisent le jeu de regard. Le spectateur se redéfinit sans cesse entre sujet et objet. Texte et image, opacité et transparence, picturalité et graphisme sont d’autres oppositions essentielles à la communication exploitées par Manuel Vieillot. Le signe graphique ou linguistique et sa potentielle lecture jalonnent son travail.

www.manuelvieillot.com

Charlotte Vitaioli

Joy, 2018, céramique, polystyrène, acrylique, 150 x 130 x 150 cm, coproduction : Fondation Zervos ; Saudade, 2018, tissu, acrylique, 3000 x 300 cm, coproduction Fondation Zervos. Crédit Mélodie Girard

Par Safia Loucif

En termes de technique, Charlotte Vitaioli ne semble pas connaître de limite. L’artiste saute librement d’un artisanat à l’autre et n’a cure d’une quelconque hiérarchie entre les procédés. Des vénus préhistoriques lui ont ainsi inspiré sa récente production céramique.
Le caractère hétéroclite de son travail est le reflet de sa méthode : elle enquête puis partage son ressenti face aux différentes cultures qu’elle explore. Le Japon par exemple, dont elle revient tout juste, occupe une place privilégiée dans son imaginaire. Des références aux estampes d’Hokusai, mêlées à des éléments d’inspiration Renaissance, se retrouvent alors dans certaines de ses œuvres. Charlotte Vitaioli insuffle une Mélancolie Heureuse dans son travail, terme qu’elle définit comme un doux moment dans lequel on aime se replonger. Ayant grandi en Bretagne, la mer revêt également une grande importance chez elle et apparaît dans ses travaux comme un souvenir récurrent. La couleur est aussi centrale, variant selon le lieu dans lequel elle souhaite nous entraîner. Naturel, souvent. Onirique, toujours.

www.base.ddab.org/charlotte-vitaioli

Michael Wall

Recreational Grounds V, Dateagle art 2019 London

Par Nadiejda Hachami

Michael Wall est en perpétuelle recherche de formes aussi bien matérielles que conceptuelles. Géométrie, texture et couleur fonctionnent comme des langages offrant ainsi plusieurs niveaux de lecture à son travail. Les sujets qu’il aborde au travers d’une esthétique minimaliste évoquent nos systèmes sociétaux contemporains : l’individualisme, la surconsommation, le post-internet, etc. L’artiste opère une prise de recul face au monde qui l’entoure afin de mieux le comprendre. Il s’intéresse au recyclage et met en lumière certains matériaux afin de dénoncer leur utilisation pour amener les artistes à réaliser leur impact écologique. Ainsi, c’est au travers d’une forme, d’une matière et de quelques couleurs, que Michael Wall nous parle d’un problème universel : la pollution. L’artiste joue de ce qui est familier, comme le mobilier, pour bousculer nos habitudes et renferme dans ses peintures, qui se veulent interactives et attractives, des symboles que chacun est libre d’interpréter.

www.mmmwww.co.uk

Dagmar Weiss

Videostill Personal Training IV, 2017. Vidéo HD, 2 minutes 23. Acteur : Anndreas Thiede. ADAGP, Paris, 2019

Par Cecilia Almirón

Les images en mouvement de Dagmar Weiss ont l’air d’ignorer tout du temps qui passe. Paradoxalement, elles nous transportent dans un état d’intemporalité. Leur contemplation nous invite à décrypter une réalité autre, subtile et poétique.
Son approche expérimentale de la vidéo ainsi que l’absence d’une structure temporelle linéaire dans son œuvre provoquent une tension constante entre deux univers : celui du cinéma et de la photographie, l’action et l’immobilité. Ses installations vidéo existent dans une multiplicité de projections simultanées, qui se réfèrent et se relient les unes aux autres dans un dialogue dont le sens n’est pas complètement préétabli. Sans nous imposer une narration, l’artiste nous offre, au contraire, des images fragmentées qui prennent la forme de récits allégoriques. Dans des mises en scène habitées par la performance, l’artiste aborde des questions d’identité et de subjectivité. Ses personnages semblent toujours être dans un état d’introspection et leurs gestes, à la fois universels et complexes à déchiffrer, nous racontent quelque chose que les mots ne pourraient mieux exprimer.

www.dagmar-weiss.de

Takeshi Yasura

Circulation, 2019. Capteur de contrôle, pompes, tubes, eau, diapasons, verre recyclé, etc. 400 x 300 x 250 cm

Par Tatiana Marushchak

Les œuvres de Takeshi Yasura balancent entre l’ingénierie et la poésie. Ses installations et sculptures sont pensées dans les moindres détails, suivant un plan préalablement élaboré, bien que l’artiste refuse d’en contrôler le processus. Celui-ci s’inscrit dans un environnement qui devient autonome et finit par vivre sa propre vie. Par l’intégration et l’interconnexion d’éléments industriels et naturels, l’artiste oppose l’attitude consommatrice de l’Occident aux anciennes pratiques de l’Orient, portées vers le culte de la nature. Cela ne signifie pas que l’humanité doit se séparer du progrès
technique – Takeshi Yasura est convaincu que l’humain, la nature et les machines peuvent coexister en harmonie – mais que nous devons reconsidérer notre attitude à leur égard.

www.yasuratakeshi.com

Manuel Zapata

Amours Estivales, 2019. Installation, impression sur textile. Dimensions variables. Crédit Mélodie Girard

Par Scarlett Chaumien

Artiste espagnol, Manuel Zapata se délecte de son environnement natal afin de façonner sa démarche dans une diversité de médiums, couleurs et formes. Entre effervescence culturelle et analyse sociétale, le regard de l’artiste dépasse les contemplations discursives. Celui-ci cherche à neutraliser toute symbolique matérielle dans l’unique but de réinventer un sens. Une appropriation personnelle d’un souvenir, une histoire à raconter, un objet inerte devient alors témoin sensible d’une réalité délaissée. Ces cheminements trouvent leur légitimité dans une pluralité chromatique. Ces gammes légères et colorées donnent une nouvelle dimension à l’histoire narrée, en suggérant une autre lecture de l’objet. Dans cette démarche de contemporanéiser le passé, les oubliés, l’écriture devient un outil pour transmettre une parole, un discours.

www.manuelzapatavazquez.com

Mathieu Zurcher

Archéologie du streaming 1, 2 & 3, 2019. Métal, transfert photographique, toile, acrylique. ; Totem de fouille 82 rue Nau 1, 2 & 3, 2019. Béton teinté, tirage photographique sur papier vinyle adhésif. Dimensions variables. Crédit Mélodie Girard

Par Milena Stojilkovic

Mathieu Zurcher s’est, au début de sa pratique, intéressé à la photographie avant d’opérer un déplacement de celle-ci vers le volume. Par ce biais et en intervenant directement sur la photographie par des déchirures, des froissements ou des torsions, il lui réattribue toute sa concrétude. Il crée ainsi de nouvelles textures et une matérialité qui lui est propre. L’image devient alors prétexte à la production de compositions la plupart du temps très colorées. L’artiste associe également la photographie à d’autres matériaux comme le béton ou le métal provoquant une certaine tension visuelle. La notion de geste est également omniprésente dans son travail, que ce soit par l’implication du corps de l’artiste, par l’évocation de fragments corporels ou par les traces des actions réalisées lors de l’élaboration des œuvres.

www.mathieuzurcher.com
Prix indépendants : Galerie du tableau ; Palais des paris

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