Les Artistes sélectionnés

68e édition

Maria Alcaide

Bureau désespoir, 2017. Avec la collaboration de Junta de Andalucia

Par Bérangère Pont

María Alcaide est une artiste qui travaille à partir de la fragilité. Elle considère les objets, les personnes, les relations comme une matérialité fragile. Ses installations font écho à des sujets actuels : le travail, le racisme, la consommation. Passant de « l’amour » au « désespoir », ses productions sont des réponses au peu d’espace émotionnel et spirituel que la société permet et pourraient se percevoir comme des formes d’essoufflements.
Dans ses recherches, María Alcaide se met en scène, performe, part sur le terrain. Bien que ses productions soient nettement influencées par une esthétique internet assumée, elle dénonce le fait qu’ont les artistes à ne pas s’engager dans une cause utile, autre que celle de leur popularité « instagrammique ». Les mots dans sa langue natale, l’espagnol, sont présents dans ses sculptures et poétisent les concepts qu’elle développe grâce à son regard engagé, imprégné de questionnements paradoxaux.

www.mariaalcaide.com
Prix : Fugitif

Charlie Aubry

Stratodrunkaster, 2013

Par Antoine Cantiny

Dans un monde où la musicalité tend à perdre de sa matière, à se désintrumentaliser au profit du numérique, Charlie Aubry prend parti d’inventer de nouveaux instruments. Des outils analogiques nés d’assemblage et de désassemblage, de fortuites, mais contrôlées combinaisons. Un pragmatisme comme seul esthétisme. Un détournement de la machine qui donne à ses ensembles d’instruments l’aspect trafiqué propre à ce qui est fait avec les moyens du bord, une allure de laboratoire. Sorte d’entremêlements désordonnés de câbles et de boutons, de connectiques et d’écrans. Une empirique méthode pour donner un nouveau sens à la machine, rendre obsolète son utilité première pour mieux lui en imposer de nouvelles.
http://charlieaubry.com
Prix : LeChassis et Lieu-Commun

Thomas Auriol

Dronus, 2017

Par Tatiana Marushchak

Les tableaux de Thomas Auriol présentent des métamorphoses qui donnent l’impression d’être créées par une intelligence artificielle. C’est pour cela qu’il est surprenant de regarder le carnet de dessins de l’artiste où les esquisses soignées, réalisées aux crayons de couleur, donnent naissance à des formes sophistiquées, qui à cette étape restent encore à révéler.
Suite à un patient travail d’atelier, la composition sur toile devient multidimensionnelle ; chaque détail et chaque forme sont tellement travaillés et prennent un tel volume, qu’ils deviennent presque tangibles. Des reflets de paysages, des fragments d’objets, la mer, l’air souvent montrés de façon zénithale, se mêlent et se juxtaposent, comme dans un montage vidéo, jusqu’à créer un nouveau monde de correspondances.

Prix : Galerie du Haut-Pavé

Paul Bardet

À installer 3 flèches, 2017

Par Apolline Bauer

Paul Bardet observe la manière dont la culture du divertissement absorbe les formes et les concepts de l’histoire jusqu’à les vider de leur sens. L’industrie semble vouloir simplifier les formes au maximum afin de les reproduire indéfiniment. Ce sont ces méthodes
de production qui inspirent l’artiste dans la réalisation de ses œuvres. Celui-ci détourne l’Histoire et ses représentations diffusées dans notre culture de masse, pour en faire un art prêt-à-exposer.
Paul Bardet se joue de ces symboles en les détournant dans des œuvres qui trompent le spectateur. L’aigle, animal figure de force, n’est désormais plus qu’une simple table ; de l’image superbe du cheval, résulte un coloriage ; la Joconde, quant à elle, est simplifiée au point de n’être plus qu’un signe de sténographie. Derrière une esthétique pop et kitsch, l’artiste dresse un état des lieux de notre société de consommation, sans états d’âme.

http://www.bardetpaul.fr

Andrés Barón

Aberracion cromatica fiebre, 2018

Par Koudiey Traore

Andrés Barón travaille sur la photographie — avec la photographie — cherchant à comprendre comment les images produisent des codes et construisent des réalités. Où le spectateur peut-il se placer et prendre position par rapport à une image lorsque celle-ci
est systématiquement mise en tension par l’artiste ? C’est sous forme de protocoles qu’il construit ses films en 16 mm, ne lui permettant qu’une seule prise de vue, contrainte plaisante à son goût, l’obligeant lui et ses performeurs à de nombreuses heures de répétitions. Des films courts donc, qui cassent la narration et repensent la gestualité dans le cinéma. Ses personnages nous regardent fixement tout autant que nous les observons. Leurs corps sont pesants et les éléments naturels apparaissent comme la mauvaise copie d’un décor hollywoodien. En créant volontairement des éléments artificiels et des signes, il nous amène dans un monde d’images ayant la possibilité d’émouvoir le spectateur.

http://andres-baron.com

Pierre Bellot

Sans titre, 2017

Par Bertille Levent

La collecte d’images sur internet constitue la genèse de montages numériques que Pierre Bellot va postérieurement transposer en peintures figuratives. C’est toujours dans des espaces clos, souvent d’exposition, et empreints d’une lumière phosphorescente, que le peintre met en scène ses peintures à la manière d’une pièce de théâtre imaginaire. L’artiste y agence des objets les uns après
les autres, sans corrélation ni respect des proportions. Hors de toute narration, la construction de l’image reste son principal intérêt.
Extraits de leur contexte, les objets deviennent des signes qui brouillent notre perception, en nous interrogeant sur leur propre réalité. La peinture permet à ces éléments éloignés, mis bout à bout, de créer un ensemble cohérent. La notion d’anadiplose est ainsi le fil conducteur de la pratique artistique de Pierre Bellot, une série de tableaux en engendrant une autre, afin de toujours remettre
les choses en jeu.

http://www.pierrebellot.com
Prix : Le CROUS de Paris, Immanence

Cornelius de Bill Baboul

Roches mammifères-dissimulaits, 2014

Par Bertille Levent

Cornelius de Bill Baboul, ou tout autre nom qu’il emprunte, Scarlette Tartraho, Roger Cavayaisse, Emil Kottsieper… n’a pas de médium de prédilection. À l’origine de ces objets, là, sans raison et sens apparent, il y a des intuitions qui ont mené à des protocoles de travail imprégnés de naïveté et d’inepties. Résultent de ces expérimentations, des formes et matières qui semblent avoir conscience de leurs natures profondes, dérivantes vers une intelligibilité et ouvertes à différentes interprétations.
Dans les productions (dessins, sculptures, installations, photographies…) des pièges, des ponts, sont tendus entre le compréhensible et l’incompréhensible, l’énigmatique et l’évidence. En outre, une subtile ironie auréole constam- ment ses travaux, une manière de désacraliser l’art tout en le prenant au sérieux.

http://www.corneliusdebillbaboul.com

Charlie Boisson

Hoopa stupa, 2016

Par Savine Dosda

Charlie Boisson réalise des sculptures en assemblant des objets qu’il trouve, récupère ou chine (outils, parties de meubles, machines, bibelots, structures, écrans LCD), avec des matériaux industriels comme la résine synthétique ou le silicone. Ces objets trouvés, travaillés manuellement, restent rarement bruts et sont peu reconnaissables dans les œuvres finies. Combinées par emboîtement et interpénétration, ces pièces évoquent des corps, mi-totems, mi-machines.
L’association visuellement harmonieuse mais discrètement grinçante entre chaleureuses surfaces patinées et angles vifs, écrans translucides et poils de brosse, au sein d’objets rigoureusement construits est une constante de son travail. Elle semble convoquer la métaphore singulière d’un corps hybride, obsédé et fonctionnel, moitié meuble et moitié fétiche.

http://www.charlieboisson.com

Maxim Brandt

The House of the Rising Sun, 2017

Par Savine Dosda

Maxim Brandt collecte, déconstruit puis combine sur ses toiles différents motifs tirés du quotidien, ou de son enfance, avec des éléments naturels ou architecturaux. Dans un rendu globalement figuratif, il crée des montages homogènes d’éléments qui entrent en opposition de nature, d’usage ou d’origine. À l’image du rêve, ses peintures se présentent comme des espaces mentaux absurdes et ambigus, superposant les niveaux de sens. Elles semblent répondre à une logique propre, mais échappent à toute compréhension rationnelle.
L’artiste compare sa peinture à une poésie totale, où le choix du montage et des couleurs se rapprocherait d’une versification synesthésique. Cette poésie est ensuite mise en scène dans l’espace du tableau, lui-même mis en abîme de manière explicite ou suggérée par la Matriochka. Il cherche actuellement à explorer un univers à la fois irréel, artificiel et synthétique. Son style évolue vers l’intégration croissante d’éléments abstraits.

http://www.maximbrandt.de
Prix : Mathilde Hatzenberger Gallery et Galerie du Tableau

Benedetto Bufalino

The House of the Rising Sun, 2017

Par Wendy Gabet

Il est d’usage de dire qu’un rien peut tout changer. Effectivement, il se peut qu’en passant dans une rue, un jour, nous soyons surpris par du mobilier urbain détourné, augmenté, tel que le conçoit l’artiste contextuel Benedetto Bufalino. Avec humour et dérision, il se charge de désacraliser ces objets quotidiens, matière de l’espace public. À la manière d’un architecte, il crée des photomontages avant de réaliser chaque installation.
Ses œuvres performatives et minimalistes, fruits d’expé- riences spatiales, interpellent. Dépouillée de sa fonction initiale, la cabine téléphonique devient un aquarium pour poissons exotiques. Si on coupe le courant électrique, la guirlande de voitures n’est plus qu’un ennuyeux amas d’automobiles alignées sur un parking. Incongrues, ses réalisations court-circuitent la trame de la ville. Un dialogue entre l’œuvre et l’espace naît, tout est question de déplacement.

http://www.benedettobufalino.com
Prix : PAABLO

Eunbi Cho

Tumbleweeds, 2017

Par Savine Dosda

Pour Eunbi Cho, les frontières entre art et quotidien sont poreuses et il importe de créer le doute sur ce qui est ou n’est pas de l’art. Son travail se définit comme des installations discrètes et fragiles dans l’espace, parfois si insignifiantes qu’elles pourraient être jetées par inadvertance au moment du ménage. Elle n’est pas attachée à ce que l’on remarque son intervention. Ses pièces et interventions sont installées dans un lieu vivant et investi comme tel. Par un processus d’intégration du vécu, l’artiste fixe des bribes de pensées fugaces dans des œuvres qui, elles, ne sont pas pérennes et vont continuer d’alimenter et de faire évoluer sa mémoire de manière fluide et organique, comme la pollinisation. Cette démarche tend à s’élargir actuellement vers des interventions qui débordent leur espace pour se former sur et autour des œuvres des autres, et dans l’espace public.

http://eunbicho.net

Martin Chramosta

Le lion bienfaiteur, 2017

Par Yuju Lin

Utilisant diverses pratiques artistiques, notamment la sculpture, le dessin, la performance et la musique, Martin Chramosta s’intéresse aux formes historiques et à l’archéologie. Les motifs sur ses reliefs viennent parfois de son subconscient et son intuition. L’artiste dessine d’abord dans la terre afin d’esquisser des reliefs. Ceux-ci ressemblent à des fossiles aux motifs abstraits et mythiques. Il raconte une histoire de tension et de mouvement en donnant des positions instables aux objets. Une autre partie de son travail est très paisible. Il possède un sentiment intime, personnel envers la Suisse, son pays natal, avec par exemple
une carte détournée. Rustiques, pastorales, les œuvres de l’artiste nous immergent dans un contexte pittoresque allié à une réflexion conceptuelle. L’écart et le détournement sont subtilement présents dans ses œuvres faisant référence tant à la culture populaire que savante.

http://www.martinchramosta.net
Prix : Cabane Georgina

Pierre-Marie Drapeau-Martin

Livre L’île d’A. 2017

Par Emma Larretgere

Le travail photographique et vidéo de Pierre-Marie Drapeau-Martin est une tentative sans cesse renouvelée de capter une part du flux du réel, ce temps accéléré qui nous emporte. En artiste glaneur, il isole des objets du quotidien parfois précaires voire éphémères pour en dégager tout le potentiel poétique. Explorant des territoires souvent insulaires, où la nature envahit le cadre, il crée des récits où le montage, le séquençage, la création d’un patchwork d’images transcrivent la mobilité des êtres et des choses
et celle de son regard. Ces images, qui existent égale- ment au sein d’éditions entièrement réalisées à la main, nous emmènent parfois à la frontière du merveilleux et glissent vers le fantastique, manière pour l’artiste « de grandir le réel ».

http://drapeaumartin.com
Prix : Aponia et No Mad Galerie

Ben Elliot

Diary, 2017

Par Océane Jakubec

S’appropriant les modèles de self-branding, démocratisés par les nouvelles générations de notre société actuelle, Ben Elliot s’inspire de cette lignée de millennials qui ne se souvient plus de la vie sans internet. Autodidacte, il cultive une fascination pour les interactions entre individus à travers des projets multiformes dans une esthétique lisse et épurée. Considérant son Iphone comme un être à part entière, il l’utilise comme un prolongement de son corps et de son esprit ; une mutation nécessaire de notre temps. Dans un flux de soi illustré entre art et narcissisme désintéressé, il se sert des réseaux comme un outil de documentation sociale, intime et une expérience d’exposition : technologie avec laquelle l’humain augmenté compose et façonne son quotidien. Un espace qui devrait, d’après lui, être désormais utilisé comme le moyen et la finalité d’une œuvre.

http://www.ben-elliot.com

Lukas Glinkowski

Eau de toilette V, 2017

Par Lucie Matton

Lukas Glinkowski capte et réinterprète l’intervention humaine au sein de l’espace urbain, puisant ses inspirations dans les lieux publics, la rue, le métro et les lieux de son enfance. Il est le témoin d’une société qu’il souhaite retranscrire dans sa pratique. À partir de matériaux industriels, comme le carrelage ou le papier peint, il forme une trame sur laquelle il esquisse à la peinture une synthèse de graffitis polychromes, collectés dans ses déambulations citadines. Tel un observateur de la manière dont les êtres s’approprient leur environnement, il recueille des traces éphémères de l’époque dans laquelle il vit et y apporte sa propre perspective en créant de nouvelles associations.

http://www.lukasglinkowski.de

Sara Ivone

Bolachas Doces da Memória de Ver, 2018

Par Lucie Matton

Entre la ligne et le volume, Sara Ivone est une artiste du mouvement qui se caractérise par la concrétisation du geste qui, du dessin, la conduit à la sculpture. Au travers de sa réalisation, elle métamorphose l’immobile en un volume fragile à mi-chemin entre le dessin, qui n’est plus, et la sculpture en devenir. Ses travaux sont un éloge du mouvement qui s’apparentent à une chorégraphie de la matière. Figeant l’instantané, elle pérennise le geste créatif en une œuvre qu’elle veut dansante. Ses créations aux couleurs pastel s’accordent et s’assemblent dans une composition rythmée. Dans une volonté de suspension du geste, Sara Ivone traduit l’espace en une partition poétique empreinte de fragilité.

http://www.saraivone.weebly.com
Prix : Look and Listen

Jean-Baptiste Janisset

Parabole du semeur, 2017

Par Yuju Lin

Intéressé par les rites religieux et l’héritage colonialiste, le travail de Jean-Baptiste Janisset est centré sur des questions de pouvoir et de conscience collective. Il expérimente des empreintes de sculptures, de bâtiments historiques ou d’allégories profanes.
À travers les anciens signes de l’image, il éveille la conscience historique des gens et présente le passé, que le public a oublié. Il utilise la lumière au néon autour de ses sculptures religieuses. En 2017, il a fondé Mutatio, un artist-run space.

http://www.jeanbaptistejanisset.com
Prix : Le Palais des Paris

Kanaria

La couleur de vague, 2016

Par Julie Alvarez

Kanaria crée un univers léger et délicat, un monde éclatant dans lequel la sensualité de chaque être est mise en avant. On y retrouve une profusion de formes, de corps et d’envies qui se croisent et créent une connexion entre toutes choses. Elle laisse souvent des espaces vierges de toutes peintures, comme un fleuve qui nous permet de voyager d’un motif à l’autre et qui crée une porte d’entrée pour que l’on puisse à notre tour pénétrer dans ce monde presque sauvage. Aussi, Kanaria n’anticipe pas les motifs qu’elle peint, elle se laisse porter par les couleurs pastel et ses tableaux prennent vie au grès des formes qui éclosent les unes après les autres.

Prix : Cabane Georgina

Paul Anton Maciejowski

Chocolate Jesus, 2018

Par Antoine Cantiny

Au sein des thèmes et des pratiques de Paul Anton Maciejowski, tout est affaire de dualité. D’abord la lenteur du processus de gravure qui s’oppose avec le dynamisme sec de ses traits. Puis la profusion presque abstraite de certaines formes qui créée néanmoins une figuration. Enfin le bourdonnement d’images noircies dont on ne distingue plus ce qui est surréaliste de ce qui n’est qu’épique, ce qui est invention de ce qui n’est qu’historique, ce qui est primordial de ce qui n’est que fioriture. Des oxymores en eaux-fortes dont l’artiste trouve pourtant des complémentarités. Ainsi le jeu vidéo s’accorde à la psychologie analytique, la Silicon Valley à la conquête mexicaine de Cortés ou encore Jésus au chocolat. Mais que ce soit d’estampe ou de peinture, ces figures figées sont toutes empreintes de cette aura que l’on réserve aux mythes.

http://paulmaciejowski.blogspot.de
Prix : Mathilde Hatzenberger Gallery

Léonard Martin

Table de tournage, 2014-2015

Par Hamza Nasri

Véritable mise en scène, le travail de Léonard Martin est une communication constante entre différents arts. Cinéma, théâtre, musique et arts plastiques viennent coexister pour donner vie à des personnages singuliers racontant une histoire des plus poétique et des plus théâtrale que le spectateur peut s’approprier. Le mouvement anime la pensée de l’artiste autant que ses personnages prenant place dans un décor en bois minimaliste, et dont les animations permettent aux puristes de ces différents arts de se retrouver. Les mises en scène de Léonard Martin existent dans un souci de communion entre les matériaux de récupération et les éclairages, rappelant toujours l’intérêt de l’artiste pour la littérature et le théâtre dont il tire son imagination.

http://www.instagram.com/leonardmartin/

Nico Müller

Chaises d’exposition, 2017

Par Antoine Cantiny

On pourrait penser que Nico Müller, utilise la ville comme atelier tant ses œuvres se font la copie améliorée, presque fantasmée, de ce que l’on peut trouver au croisement de deux rues. Des néons défectueux, des collections de paillassons défraîchis, des canettes de bière ou encore des pics anti-volatiles. Tout autant d’artefacts du quotidien, devenus presque invisibles de par leur banalité, à qui l’artiste donne un second souffle, une nouvelle lecture. Altérés par le lieu d’exposition, ces éléments se découvrent de nouvelles possibilités esthétiques. Une nouvelle façon qui permet à l’objet de se dévoiler en dehors de ce pourquoi il a été conçu. Ainsi, l’artiste insuffle à ces anodins objets une nouvelle identité. En résulte une poésie du banal sur fond de readymade.

http://www.nico-mueller.ch
Prix : Ecole des Arts de la Sorbonne

Valentin Muller

Montréal, 2014

Par Bertille Levent

Valentin Muller propose des espaces souvent vides, mais pourtant remplis de mots et de sentiments. Sur les murs de ces lieux, sont inscrits ses pensées faces à une rupture amoureuse, des dialogues avec son entourage — proche ou presque inconnu — autour de l’image qu’il pouvait avoir de chacun d’eux ; mais surtout se révèlent par la discussion, leurs rapports immédiats.
Conscient de ses difficultés à communiquer avec l’Autre, de sa possible froideur et distance, il crée des dispositifs qui lui permettent d’établir des relations. Dans ces espaces fermés, ces pensées s’entrechoquent ; l’empreinte des paroles échangées s’y retrouve autant que l’absence de ces corps devient évidente. Le spectateur est alors confronté physi- quement et émotionnellement à l’intimité de deux Autres, l’espace privé rejoint son caractère public, la complexité d’un individu nous redevient commune. Partant d’une difficulté de l’artiste à tout simplement être, ce qui n’est d’habitude qu’immatériel devient un événement temporel et spatial.

http://www.valentinmuller.com/
Prix : Galerie Barbara Polla et Galerie du Tableau

Riccardo Olerhead

Mirko, 2017

Par Scarlett Chaumien

Les sculptures éphémères de Riccardo Olerhead sont figées par des photographies hautes en couleur. Les nuances chromatiques et les objets choisis ne sont que le fruit d’un calcul raisonné : ses compositions visuelles luttent contre le chaos. Les créations artefactuelles se heurtent à de la végétation engendrant un portrait abstrait, dont les titres ne seraient que les noms imaginés d’une personne rêvée. Le titre d’une série ne se cristallise pas et ces natures mortes contemporaines appuient les mutations d’états, propres au regardeur. Un jeu d’équilibre où s’harmonisent les teintes et les textures, forme de vanités, témoins du temps qui passe.
The ephemeral sculptures of R. Olerhead are frozen in high colour photographs. The chromatic nuances and the chosen objects are only the fruit of reasoned calculation: his visual compositions fight against chaos. Artificial creations collide with vegetation creating an abstract portrait, whose titles are only the imagined names of someone from a dream. A game of balance that harmonises shades and textures, forms of vanity, witnesses of time passing.

http://www.riccardoolerhead.com
Prix : Galerie Olivier Nouvellet

Maximilien Pellet

Squaresquaresquare, exposition « Une salle du palais », 2017

Par Emma Larretgere

Le dessin chez Maximilien Pellet est une véritable matrice, un point de départ essentiel par lequel il pense les textures, les motifs ou la façon d’inciser la matière dans ses futures peintures. La vulgarisation par le feutre, en une gamme de couleurs limitée, la conditionne également. L’artiste travaille en bâtisseur, utilisant différents outils de chantier comme de l’enduit qu’il teinte dans la matière même, en réalisant ce qui serait de l’ordre de la fresque ou du bas- relief. Il s’affranchit cependant du mur en imaginant différents dispositifs de spatialisation. Les motifs, souvent récurrents, font partie d’un répertoire, d’une grammaire visuelle, au cœur de sa réflexion sur les styles avec lesquels il joue, télescopant les époques et recomposant de nouveaux récits.

Prix : Double V Gallery, Immanence, Marin Beaux-Arts et Pavillon Pantin

David Perreard

Capture Embedded, 2014

Par Koudiey Traore

David Perreard reproduit sous la forme de micros narrations ou le temps d’un tour de magie ses propres observations de notre monde. La puissance des maladresses de la vidéo amateur lui permet de croiser et mettre sur un même plan des éléments hétéroclites comme l’animation, la prestidigitation, les effets spéciaux, ou des récits insolites. Alors que ces outils se veulent spectaculaires ou sensationnels, ils sont ici neutralisés et traités avec banalité.

http://www.davidperreard.fr
Prix : La Source

Julia Poplawska

Scamper-Progress-Urge, 2015

Par Océane Jakubec

On est là, inerte ; témoin somnolent d’une atmosphère surréaliste, parfois irréelle. Seins anti-stress, cité fantomatique, cigarette et prière : une réalité déformée, réinterprétation de codes contemporains. Avec un ton dénonciateur de son propre état émotionnel, Julia Poplawska nous livre une analyse critique de ce qui l’entoure, ce avec quoi elle a grandi et s’est façonnée en tant que personne — femme. Entre traduction d’une réalité vécue et accusation sociétale, l’identité polonaise, dont elle est issue, est fortement présente dans sa pratique artistique. Proche d’une esthétique documentaire brute, ces vidéos et performances vidéo questionnent la précarité du travail, mal de l’humanité, qui influence nos choix, notre devenir comme individu. Tout se répond, de manière poétique et presque onirique pour montrer du doigt, entre tradition ancrée et nouvelle génération, des phénomènes culturels liés aux mouvements et à la politique de notre temps. De son temps.

http://www.juliapoplawska.com

Akshay Raj Singh Rathore

Bengal Famine 1943, 2016

Par Tatiana Marushchak

La pratique artistique d’Akshay Raj Singh Rathore est plurielle, allant de dessins minimalistes sur des papiers d’emballage à la construction de mondes complexes dans un espace virtuel. Toutes les œuvres de l’artiste s’appuient cependant sur des recherches et introspections partant d’idéaux humanistes. Il explore la terre, comme source primaire d’expression, questionne nos relations avec les ressources, la main d’œuvre, la production et la consommation. Originaire des provinces rurales de l’Inde, l’artiste crée ses œuvres grâce à des ingrédients naturels, préférant les matériaux simples et écologiques. Les fleurs, les feuilles et les épices forment les pigments de ses peintures ? Les éléments de la nature se retrouvent aussi dans ses applications numériques, qui invitent le spectateur à se perdre en quête d’une réalité meilleure que celle qui nous entoure.

Prix : Mathilde Hatzenberger Gallery et Multiple Un

Eric Ramos Guerrero

Obstructed Beach View, 2017

Par Wendy Gabet

Prenant source dans les banlieues californiennes, les œuvres d’Eric Ramos Guerrero portent sur le glissement de la culture, son appropriation et son expansion. Son univers dépeint une atmosphère angoissante, où végétation tropicale, espace urbain et créatures fictives à l’allure humaine se confondent. On découvre dans ses sculptures, peintures et performances un reflet de son environnement : un hymne au multiculturalisme ambiant. Dans ses dessins, l’artiste semble nous faire part d’une obsession, il ponctue d’encre noire des espaces abandonnés à la nature, marginaux, évoquant une menace. Des formes disharmonieuses en sortent, des cyclopes nous fixent. Ces derniers nous signalent par cet œil en amande — récurent dans son travail — que nous sommes ici les voyeurs, observant des scènes parfois violentes, d’autres fois pathétiques. La nature environnante, dense et séduisante, à la manière de motifs orientalistes, envahit l’espace de la feuille et laisse penser que nous n’avons pas tout vu de la scène qui se joue devant nous.

http://ericramosguerrero.com
Prix : La Cave/Filaf, Mathilde Hatzenberger Gallery et Villa Belleville

Lucien Roux

Sans titre, 2017

Par Julie Alvarez

Des instants figés, des fragments d’images qui tentent de modeler le temps. Comme un monteur, Lucien Roux prélève des images de films, de médias, qu’il travaille réinvestit dans sa pratique picturale. L’artiste nous propose des clichés déjà connus sans pour autant nous les révéler entièrement. Sont données à voir des séries de détails où les fragments forment des ensembles, quand ils peuvent se répondre. Lucien Roux explore la répétition photographique et les changements de point de vue comme illusion de mouvement dans lesquels la vérité reste à chercher. Le spectateur devient alors le courant qui active les œuvres. Ainsi, il redonne à l’image sa vérité et nous permet de la voir telle quelle et non plus comme on voudrait la voir. L’image avec sa perte se dévoile davantage que lorsqu’elle est entière.

http://www.lucienroux.com
Prix : Paréidolie

Emir Šehanović

Strange Moment, 2014

Par Apolline Bauer

L’occulte et la superstition sont les fils conducteurs de la pratique d’Emir Šehanović, artiste bosniaque qui s’inspire des traditions locales et des rituels païens qui l’entourent. Il puise matériaux et motifs essentiellement dans les croyances populaires. Par exemple, le plomb tel qu’il est exploité dans les rites de guérison, s’incarne dans ses œuvres sous des formes abstraites. Les collages et assemblages que réalise l’artiste nous donnent à voir des portraits tâchés d’éléments ou d’extensions organiques, liant l’intériorité et l’extériorité de la personne.
Ses œuvres sont un jeu constant d’illusions en trois dimensions et d’allers-retours entre différents médiums. Emir Šehanović exploite aujourd’hui de nouveaux matériaux, à la fois informatiques et industriels. Toujours en lien avec ses interrogations sur ce que la science n’explique pas, ses œuvres interrogent des énigmes universelles.

http://www.esh.ba
Prix : Un-Spaced Gallery

Slinko

Economy of means, 2016

Par Savine Dosda

Selon ses propres termes, Slinko crée des « images en mouvement », et non des films ou des vidéos. Son approche plastique et filmique intègre tout à la fois une forme de sculpture animée, un travail chorégraphique, un regard introspectif et les hasards de l’improvisation. L’artiste cherche son inspiration dans les événements historiques, les anecdotes personnelles et les rencontres étranges dont elle fait l’expérience dans sa vie et dans ses performances. Ses œuvres mettent en scène un jeu sérieux, qui questionne les valeurs économiques et idéologiques. Les performances de Slinko tentent également d’inventer un langage commun permettant
de rencontrer l’autre tout en restant soi-même. Pour Slinko, l’art est profondément magique et l’humour salvateur.

http://www.studioslinko.com
Prix : Mathilde Hatzenberger Gallery

Charles-Henry Sommelette

Thermes II, 2015

Par Scarlett Chaumien

Les couleurs noires, blanches et vertes sont celles qui, d’ordinaire, accompagnent le quotidien de Charles-Henry Sommelette. Ces teintes sont visibles du bord de sa fenêtre et obsèdent ses journées. Une mélodie presque silencieuse se dégage de ses paysages, peints ou dessinés. Malgré les différences de technique, ses représentations sont intrinsèquement liées. La nature est omniprésente, mais un doute plane. Cet écho bucolique délivre un message incertain, celui de notre passage. Les buissons sont taillés et les troncs d’arbres gravés, traces d’un quotidien commun. Notre corps s’esquisse dans ces projections diurnes laissant place à nos propres questionnements.

http://www.charleshenrysommelette.com
Prix : La Cave/Filaf et Agence Kyubes

Sammy Stein

El museo de la tortuga, 2017

Par Emma Larretgere

Le travail de Sammy Stein se développe sous la forme de projets éditoriaux imprimés : livres, revues et fascicules, qui coexistent avec leurs versions numériques. L’artiste pense ainsi différents modes de circulation, réception et diffusion de l’objet. Ses dessins, réalisés uniquement à l’ordinateur, se caractérisent par la sobriété du trait et l’utilisation de la ligne claire. Dans une partie de ses recherches graphiques, Sammy Stein travaille l’épuisement d’une forme ou d’un motif qu’il déconstruit, attaque, métamorphose. Il met en place différents principes narratifs, des micro-récits souvent sans personnage, mais où la présence humaine est figurée par une voix-off qui nous raconte l’histoire. Il poursuit également une réflexion sur l’espace muséal, nous faisant déambuler dans des collections et expositions fictives, déplaçant et réinventant parfois des œuvres réels. Ces objets éditoriaux peuvent être présentés au sein d’installations, dispositifs de monstration articulant les deux médiums artistiques.

http://www.sammystein.fr

Maxime Testu

Les jumeaux 2, 2017

Par Bérangère Pont

Maxime Testu est tout autant un artiste des mots que des formes. Corrélant nombre d’écrits en ligne à des sculptures aux aspects hétérogènes, il est nourri d’une singularité : un vif intérêt pour de petites choses succinctes dites « lubies ». Ses récits, parsemés de références classiques du cinéma, de la littérature et de l’art contemporain, décryptent les façons dont les éléments extérieurs influent sur son monde intérieur. Il analyse des informations qu’il a lues, entendues ou vues, dans des situations de sa propre vie, et raconte comment cela fait évoluer le processus de sa perception. Ses sculptures aux aspects énigmatiques ne répondent pas au même mécanisme de création, mais évoquent tout de même cette même idée de basculement, bien que celles-ci soient d’avantage des manifestations intuitives que des questionnements.

http://www.maximetestu.com

Qingmei Yao

Spectre Solaire: Ballet Royal de la Nuit II, 2017

Par Koudiey Traore

Artiste pluridisciplinaire, Qingmei Yao exploite différentes formes d’arts vivants. La danse, le théâtre, la poésie-action ou la performance n’échappent pas à la théâtralisation de ses personnages burlesques et caricaturaux. À travers la vidéo, elle exprime ses doutes sur notre monde contemporain. La confrontation de nos idéologies politiques et sociales l’intéresse. Ce n’est pas un hasard si le public reçoit ses interventions par des moyens comme la documentation écrite, audio, ou vidéo, car au-delà de la simple archive comme forme de restitution, cela lui permet d’offrir une nouvelle écriture et lecture de son travail. L’humour est une forme de résistance pour Qingmei Yao. Si l’on peut rire d’une chose, c’est que l’on y apporte déjà un certain regard, voire une critique. Absurde, évocatrice et provocante, sa pratique met à l’épreuve les moindres détails du théâtre de notre quotidien.

http://sunshinemaya.wixsite.com/yaoqingmeiwork
Prix : Galerie Municipale Jean Collet et Orange Rouge

Yue Yuan

Troc, 13/10/2017

Par Bertille Levent

Yue Yuan est un observateur, un contemplateur du quotidien. Ses actions, toujours retranscrites par des textes et parfois des photographies dans une visée presque documentaire, décryptent l’invisibilité de ce qui nous entoure. Il s’approprie une règle, une logique et s’intéresse aux systèmes sous- jacents de l’ordinaire, influençant inéluctablement nos vies. L’artiste tente de trouver son chemin au milieu de ce qui existe déjà. Pour cela, il emprunte des concepts littéraires ou mythologiques qu’il met en forme en s’adaptant à la vie de tous les jours. Yue Yuan ne recherche pas une forme de dérision dans son travail, mais celle-ci est créée par le décalage omniprésent de ses gestes. C’est toujours avec discrétion, une modeste simplicité et un regard poétique que l’artiste devient perturbateur de ce qui semble bien établi dans notre société.

Prix : Tribew

Radouan Zeghidour

Désenchantement, 2016

Par Wendy Gabet

De son amour pour la ville de Paris, Radouan Zeghidour tire une pratique artistique à contre-courant des carcans emprisonnant les artistes dans les mécanismes de reconnaissance. Ses œuvres liées à des expériences réelles, témoignages et traces de ses errances dans les différentes strates de la ville, subliment tantôt le lieu, tantôt les matériaux. L’artiste, par une conception romantique de son environnement, provoque une tension certaine entre poésie et violence de l’acte illégal, comme lorsqu’il crée des monuments inaccessibles et éphémères, en prenant possession des souterrains de la capitale. Ses sculptures, véritables empreintes morcelées, font état d’une histoire, la sienne et celle de ce vivier urbain qu’est Paris. « Élargir son champ de liberté pour créer le mieux possible », tel est son adage.

Prix : Diamètre, Lieux-Communs

Kornel Zezula

Canicule, 2017

Par Antoine Cantiny

Plus qu’une toile sur un châssis, les peintures de Kornel Zezula s’imaginent écrans de projection, supports où se fixe l’arrêt sur image de portraits floutés par le mouvement. Car l’artiste ne peint de ses sujets que leur visage, n’immortalise que leur être. Une manière de capturer l’essence d’un rôle dont l’expression faciale ne serait que la seule interprétation. De ces plans figés par la peinture, il ne suffit que d’imagination pour se projeter le scénario tiré de fictions dont on ne sait rien. Tirant tour à tour ses références des figures de la littérature et du cinéma, les titres sont ici les indices aidant à l’immersion de celui qui voudrait visualiser plus que de contempler ces peintures.

https://kornelzezulafr.weebly.com
Prix : Galerie Joan Font et under construction gallery

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